Pourquoi le Second Ecran n’est pas l’avenir du Petit Ecran

Par : HUB Institute
30 avril 2013
Temps de lecture : 9 min
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A l’heure de l’Internet des Objets, le nombre d’écrans auxquels nous sommes susceptibles de nous connecter ne cesse de grandir. Cette fragmentation des médias et des audiences reste paradoxalement complémentaire, puisqu’elle est à l’origine d’un comportement appelé Multitasking. Pour ceux qui peinent à définir cette approche, il s’agit de notre capacité à réaliser différentes tâches en simultané, plus précisément à utiliser plusieurs moyens de communication en même temps. Ses adeptes, caractérisés comme «mutants hybrides bionumériques géolocalisés» par Joel de Rosney, ne sont pas seulement des adolescents hyperactifs. Le multitasking nous concerne tous aujourd’hui ! C’est donc consciemment, ou non, que nous bouleversons actuellement les schémas traditionnels, dont celui de la Télévision.
Symbolisant cette délinéarisation, dans nos modes de consommation du petit écran, la Social TV est aujourd’hui perçu comme une opportunité unique d’augmenter l'engagement de l'audience, sa compréhension, son émotion et son implication. Il faut dire que les chaînes de TV peinaient depuis quelques années à enchanter et fidéliser les spectateurs, en mal de nouveautés... Il a donc fallu entreprendre, en essayant de comprendre, puis en testant cette «Télévision Sociale», pour développer dans l’idéal, notre attachement aux programmes.
Les canaux privilégiés, pour cette expérimentation, sont nombreux. Il s’agit de plateformes sur mesure comme MyTF1Connect ou spécialisées comme Miso TV et GetGlue, mais aussi et surtout de réseaux sociaux comme Tumblr, Facebook et ... Twitter. Ce dernier fait office d'ambassadeur de la Social TV tant il est repris systématiquement comme exemple dans les médias. Il faut dire aussi que Twitter dépend de plus en plus du vieux média qu’est la Télévision. Depuis septembre, le nombre de messages diffusés sur Twitter en lien avec les émissions de télévision a été multiplié par cinq. Adopté dans un premier temps pour un usage professionnel (Journalistes, Publicitaires, etc.) le site de microblogging a rapidement fait parlé de lui (Révolution de Jasmin, Affaire DSK, etc.) et s’est installé dans nos salons. Cette trajectoire n’a finalement rien de surprenant puisque la plateforme, à la différente de Facebook, se caractérise pour son ouverture (Profils Publics), ce qui ne laisse que très peu de place pour des échanges intimes. En outre, la Télévision et les réseaux sociaux sont nos deux principales sources de distraction...
L’avenir de la TV ne se situe pas sur le web social
L’animation éditoriale fait désormais partie intégrante de l’enrichissement de nos émissions et fictions TV favorites. Pourtant, intégrer les hashtags et autres tweets dans une programmation ne suffit pas pour réinventer un modèle viable à long terme. Je crois personnellement que le futur de la télévision sera tiré par l'innovation (pas la déclinaison de formats du web social, mais la scénarisation de nouveaux formats) et une vision du divertissement plus interactive et personnalisée. Twitter qui caractérise aujourd’hui cette Social TV permet aux spectateurs de se sentir branché aux conversations, en temps réel. C’est un premier pas intéressant vers des chamboulements plus concrets, qui ne sauraient tarder. Demain, je n’imagine pas un événement majeur où le public ne fait pas partie de l'histoire elle-même... Le programme est le noyau dur de l'engagement. Nous assistons d’ailleurs à l'expérimentation sur l’écran principal de nouvelles écritures qui invitent le public à participer. «Talking Dead» est à ce sujet l’une des plus belles initiatives. Pensé autour de la série «The Walking Dead» il s’agit d’un talk-show d’une demi-heure diffusé en parallèle des épisodes et animé par l’humoriste Chris Hardwick (@nerdist qui compte plus 1,8 million de followers) depuis 2011. Cette émission ajoute de la profondeur à l’univers et permet aux téléspectateurs de poster leurs propres questions aux invités (les protagonistes) sur la page Twitter @WalkingDead_AMC, le flux dédié de l'émission @AMCTalkingDead ou encore Facebook. En bref, le site de Microblogging de Jack Dorsey ne pouvait pas rester inactif et laissé la Télévision tirer parti de son format, sans se procurer une part du gâteau.Twitter, du second écran au petit écran
En février dernier, Twitter rachète Bluefin Labs, spécialiste dans l'analyse de données sur les réseaux sociaux et renforce ainsi ses liens avec la télévision. Twitter a confirmé depuis le destin qui le lie à la TV en signant des partenariats d’envergure avec Viacom, BBC America ou encore Weather Channel. Ces projets restent relativement flous pour le moment, mais il semblerait qu’il s’agisse d’enrichissement vidéo sur second écran. Les spéculations règnent notamment autour du partenariat avec BBC America :
[email protected]twitter and @bbcamerica, home of #DoctorWho & #TopGear, ink deal to offer 1st in-Tweet branded video synced to entertainment TV series
— BBC AMERICA (@BBCAMERICA) 18 avril 2013
Selon le site Lost Remote cela ressemblera à une sorte de livestream sur Twitter, plutôt qu’un format court, que la plateforme devrait laisser à son application vidéo VINE. Pour d’autres, il s’agira d’une solution permettant aux twittos de récupérer un extrait issu d’une diffusion en direct, afin de le partager avec ses followers. De son côté, Weather Channel devrait enrichir son compte Twitter de clips météorologiques. Enfin, concernant Viacom, le conglomérat qui possède notamment MTV, CMT et Comedy Central, Twitter ne devrait pas aller plus loin, en ajoutant simplement des clips d’information et de divertissement et même publicitaires dans nos flux.
Vous l’aurez remarqué, non seulement ces formats sont dans la déclinaison et non l’invention, mais en plus ils incitent à consommer les contenus en ligne au détriment de la Télévision... Décevant me direz-vous ? Oui et non, il faut dire que Twitter répond aussi à des besoins annexes comme «l’enrichissement de Tweet», pour faire profiter pleinement les twittos n’ayant pas de téléviseur à porté. Effectivement, il y a de quoi être frustré de ne pas pouvoir mettre d’image derrière un Tweet lorsque l’on suit l’émission seulement sur le site de microblogging. Avec ces initiatives, Twitter passe donc du statut de second écran à celui de doublure destinée à un public ne possédant pas de téléviseur à portée.
Un autre partenariat a particulièrement attiré mon attention et présage le déploiement de Twitter au-delà de sa plateforme, soit au coeur de la télévision. Le site de Microblogging vient de s’allier avec la chaîne Musicale «Trending 10» du groupe Fuse, afin de renverser l’influence de la TV sur la plateforme sociale et d’en faire un générateur de contenu Télévisuel. Ainsi, un logiciel de «Social Analytics» développé avec la société Trident permettra de parcourir nos tweets pour afficher en temps réel les conversations et débats intéressants et s’en inspirer pour la ligne éditoriale. Difficile de définir à quel point les conversations influenceront le fil de l’émission. Espérons simplement qu’il ne s’agisse pas d’un simple affichage de Tweet comme nous en subissons déjà depuis des mois...
L’autre élément-clé sera la modération. Il semble indispensable de trier les tweets pour éviter toute diffusion «haineuse». Cependant, jusqu’ici les divers intégrations manquent cruellement d’objectivité, notamment lorsque seuls les tweets favorables à l’invité d’une émission sont diffusés, alors que cela ne reflète pas les débats en ligne.
Vous l’aurez compris, nous sommes encore loin de la «Twitter TV», où les débats sur les plateaux s’orienteront en fonction des demandes de la twittosphère et où celle-ci aura le droit de regard sur l’arrivée ou le départ des protagonistes d’une téléréalité. Personnellement, je rêve secrètement qu’un jour, les échanges que j’aurai avec mes amis, entre deux épisodes de ma série favorite, puissent influencer et permettre un revirement de situation la semaine suivante durant le nouvel épisode.
Apporter de l’interactivité à la Publicité TV
Twitter offre également à la publicité une nouvelle opportunité d’engager l’internaute/téléspectateur. Plutôt que de simplement acheter des tweets sponsorisés et autres #trendingTopics, je vois cette plateforme comme un moyen de raconter une histoire pouvant vivre au-delà du petit écran. Parmi les premières expérimentations, on retiendra l’initiative de Mercedes-Benz qui a lancé une expérience interactive et sociale sur la chaîne iTV. Ainsi, les twittos ont pu décider de la fin d’un film publicitaire conçu pour l’occasion grâce au hashtag #YOUDRIVE. L’acteur Kane Robinson, y interprète le premier rôle et doit se rendre à un concert à l’aide de sa Class-A. A bord du bolide et accompagné d’une pilote professionnelle, il devait déjouer les obstacles se présentant à lui, avec l’aide du public. Nous nous rapprochons ainsi du format d’avenir, celui qui permet à chaque téléspectateur d’influencer la trame narrative d’un programme. Cette campagne de Social TV s’est déroulée en trois étapes, afin d’«informer», «impliquer» et «révéler». Un premier clip de 60 secondes a été diffusé durant l’émission populaire X-Factor (US). Le second a été diffusé durant une coupure entre deux parties de l’émission et proposait cette fois de définir la suite de l’aventure via le hashtag #YOUDRIVE. Pour conclure, un film de 90 secondes a récapitulé les deux premiers épisodes, puis révélé la fin préférée des internautes. Plus tard, ce film a été décliné au cinéma, en presse et en affichage. Plus récemment, c’est en signant un partenariat publicitaire avec Starcom Media Vest Group (Groupe Publicis), que Twitter a affirmé sa volonté de révolutionner la Publicité (TV). Avec ce «Social Lab», l’agence définira de nouveaux moyens de monétiser l'audience du réseau social, pour des clients mondiaux comme Coca-Cola et Procter & Gamble. Elle bénéficiera par ailleurs d’un accès privilégié aux outils de recherche, aux données et aux nouveaux produits de Twitter comme le fameux In-tweet Mobile Survey, lancé avec Nielsen. Cet accord qui pourrait générer entre 400 et 600 millions de dollars de dépenses sur 3 à 4 ans, sera je l’espère, l’occasion d’aller au-delà des formats existants et de réinventer la narration publicitaire. Alors que Twitter confirme sa légitimité auprès du média TV, on apprenait la semaine dernière l’arrivée de Laurent Solly à la tête de Facebook France. Recruter le Directeur Général de la régie publicitaire de TF1, est-il le signe d’un rapprochement de Facebook et du Petit Ecran, sur lequel la plateforme de Marc Zuckerberg n’est pas encore totalement installée et n’a pas de modèle publicitaire dédié ? Quoi qu’il en soit, «Réseaux Sociaux» et «Télévision» n’ont pas fini de s’entendre et forment déjà un couple indispensable quant au renouveau du petit écran. Après le semi-échec de la TV connectée et les expérimentations concluantes de la Social TV, place à la Participative TV !Envie de nous partager vos insights ?