Les enjeux actuels de la décarbonation
Afin de mieux cerner les enjeux énergétiques, il est fondamental de comprendre la situation géopolitique et économique actuelle. Marc-Antoine Eyl-Mazzega, Directeur du Centre Energie et Climat de l’Institut français des relations internationales revient sur un sentiment d’urgence et un appel à l’action non seulement des entreprises et de l’industrie, mais aussi de nos gouvernances.
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En violant ses engagements à long terme, la Russie n’est plus un fournisseur d’énergie fiable. Le cas du gazoduc Nord Stream, qui est en maintenance actuellement mais dont les flux ont déjà fortement baissé, met en lumière le risque de ne plus avoir de livraison de gaz en Europe. Cela accélérerait un glissement vers la récession, notamment en Allemagne, qui aurait des répercussions majeures pour ses voisins.
La deuxième menace serait de perdre une partie des industriels énergo-intensifs, notamment en Allemagne, car ils ne survivront pas à un choc des prix et à un possible rationnement énergétique. Cette situation est donc extrêmement préoccupante, notamment suite à la perte d’une partie de notre industrie en France. Sans gaz, l’outil industriel est cassé et il adviendra le sujet d’une délocalisation vers d’autres pays de l’OCDE du type Australie ou États-Unis où il y a d’une part du gaz et des énergies fossiles à bas coûts, abondants, disponibles et sûrs et d’autres parts des énergies bas-carbone, abondantes et bientôt disponibles. Ces énergies bas carbone seront difficiles à trouver en Europe ce qui pose un grand problème.
Pour la première fois, l'efficacité énergétique et la sobriété vont s'imposer à tous.
- Marc-Antoine Eyl-Mazzega, Directeur du Centre Energie et Climat de l’Institut français des relations internationales
Ce que nous avons fait en France jusqu’à présent ne va pas dans le bon sens : on ne peut pas geler tous les prix et en même temps distribuer des chèques énergie. Nous allons finir l’année avec à peu près 20000 milliards d’euros de surcoût budgétaire liés à ces mesures anti-inflationnistes. Nous devons mieux cibler nos actions en comprenant que seuls les plus vulnérables pourront être aidés. D’autres devront payer ou adapter leurs technologies et leurs activités économiques.
Nous avons bénéficié de cinq années de prix de l’énergie extrêmement bas, rendant aujourd’hui le choc d’autant plus rude. Cela nous a permis de nous fixer des objectifs de décarbonation qu’on n’aurait pas attendu comme cela il y a quelques années, avec une véritable accélération pour 2030 et une neutralité à 2050. Le cap est maintenu : aux derniers votes sur le fit for 55 à Bruxelles (présenté il y a un an), avec déjà des accords majeurs. Néanmoins, l’accélération pour les énergies renouvelables est indispensable. Ces énergies voient leur coûts de déploiement augmenter ; et c'est en cela que les élus politiques doivent travailler en synergie avec les acteurs économiques.
Un enjeu tout aussi important réside sur la réindustrialisation bas carbone. Cette transition ne peut pas se faire si nous devons tout importer. Jusqu’à présent cela nous a permis une baisse des coûts mais nous devons maintenant basculer sur la résilience. Il tient en trois éléments cruciaux : le carbone, l’emploi, et les chaînes de valeurs locales. Il va nous falloir adopter un virage important.
Les crises actuelles montrent que nous sommes dans un monde de l’énergie fossile ou se pose un certain nombres de défis, notamment dans certains pays dont les objectifs ne sont pas atteignables. Il faut renforcer nos institutions et nos politiques communautaires pour avancer ensemble et former un front le plus cohérent possible dans cet ensemble mondial qui ne va pas aller dans la même direction. Cela implique de devenir plus responsable et de s'intéresser aux sujets de fonds.
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