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Smart Reboot #2 : Blackberry renaît de ses cendres autour de la cybersécurité

Par : Emmanuel Vivier
29 mai 2019
Temps de lecture : 6 min
Chapo

"Smart Reboot" sera le thème du HUBFORUM 2019 qui aura lieu le 15 et 16 octobre prochain. Dans cette série, le HUB Institute vous présente les exemples de grandes entreprises qui ont effectué cette remise en jeu profonde de leur modèle. Deuxième cas d'usage : Blackberry.

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Quel cadre supérieur dans les années 2000 n’était pas fier d’arborer son BlackBerry? A son apogée, Research In Motion, la société canadienne derrière ce smartphone iconique, comptait pas moins de 80 millions d’abonnés sur la planète. Véritable outil de productivité et signe de réussite dans la sphère professionnelle, le succès du Blackberry s’est pourtant rapidement écroulé entre 2011 et 2018 pour passer de 20 milliards à 1 milliards de $ de revenus !

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Source : Radio Canada

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Le cours de la bourse de BB

Pourtant depuis peu l’entreprise semble à nouveau retrouver des couleurs autour de nouvelles activités dans le domaine de la cybersécurité. Petit retour sur un disrupteur telecom, qui a été lui même disrupté par les acteurs du logiciels (IOS d’Apple & Android de Google) avant de retrouver un nouveau modèle.

2002-2012 : 10 ans de succès pour la crème de la crème des mobiles

A ses débuts à Warteloo, dans l’Ontario, RIM a connu ses premiers succès avec des produits dans le domaine des “pagers”  - si si rappelez-vous, comme nos TamTam (Cegetel), Tatoo & Alphapage (France Telecom), Kobby (Bouygues Telecom) hexagonaux ! - vendus à IBM puis sous leur propre nom. De 2002 à 2011, Blackberry a connu un succès insolent grâce à des terminaux haut de gamme pour les professionnels. La consultation très rapide des emails (grâce entre autres à la célèbre molette latérale), la navigation web (toutefois limitée par le débit de l’époque), la messagerie BBM entre aficionados de la marque (comme un réseau social élitiste), un vrai clavier hardware alphanumérique, le passage à l’écran couleur en ont rapidement fait la référence pour les traders, hommes et femmes d’affaires,... La marque était perçue comme le nec plus ultra et fin 2012, plus de 85 millions d’utilisateurs ne juraient que par le terminal.

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2012 : le début d’une chute vertigineuse

Si RIM a su se partager le marché pendant 10 ans avec Nokia (dans l’entrée de gamme) face à Alcatel, Sony Ericsson, Palm Pilot… , les deux entreprises n’ont pas vu venir une nouvelle menace. Comme l’avait annoncé Andreessen Horowitz dans son célèbre post en 2011 “pourquoi le logiciel est en train de dévorer le monde”, de nouveaux venus allaient bientôt détrôner Blackberry et Nokia. Là où Nokia lançait les meilleurs années 44 modèles de téléphones (un pour la vidéo, un pour la bureautique, un pour le multimédia...), ce qui nécessitait un investissement en R&D hardware et software considérables, les nouveaux terminaux ont tout misé sur le logiciel et les applications pour personnaliser l’usage d’un seul et même terminal. iPhone a ainsi su s’imposer en quelques années suivi d’Android avec un système d’exploitation mobile encore plus ouvert.

Dans les deux cas, en permettant à un écosystème de développeurs-tiers de développer et vendre des applications sur leurs plateformes, Apple et Google ont pu pousser Blackberry à la faute : quand Blackberry ne pouvait concevoir que quelques logiciels propriétaires, Android et IOS proposent un choix quasi illimité d’applications mobiles permettant à chacun d’adapter son téléphone à son usage : professionnel, multimédia, gaming,... Blackberry aveuglé par son succès passé et son image fait preuve d’arrogance et ne voit pas la menace et enchaîne les lancements de produits ratés (entre autre en essayant de renoncer au clavier pour un écran tactile). Le nombre d’utilisateurs s’effondre en quelques années et sa part de marché tombe à moins de 1% en 2014!  Malgré une tentative tardive de lancer un Blackberry avec Android, fin 2016, le couperet tombe, l’entreprise ne fabriquera plus de terminaux elle-même, les “Crackberries”, ces fans de la marque sont en deuil. La marque Blackberry est cédée au fabricant Chinois TCL pour créer des terminaux Android.

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2017 : Savoir rebondir pour se réinventer

Même si l’entreprise a été longue à réagir, elle a su finalement prendre des décisions stratégiques sous l’impulsion de son nouveau PDG John Chen. Quitte à se couper un bras avec l’arrêt de la fabrication de son célèbre terminal et se séparer de 15.000 employés sur 20.000, elle a su rapidement se recentrer (en ayant encore des capitaux) autour des logiciels de cybersécurité. Cette stratégie s’articule désormais autour d’une offre complète de gestion des terminaux mobiles (MDM), de sécurité, de services aux entreprises et d’Internet des objets (IoT) avec Spark, renforcée par de nombreux rachats : Good Technology, Secusmart, WatchDoc ou Cylance. 

Dans le domaine de l'automobile, son OS, QNX, est déjà embarquée dans 65 millions de véhicules. Il est aussi utilisé dans plusieurs secteurs comme les équipements hospitaliers, les transports en commun ou les centrales nucléaires. Et les questions de sécurité devraient s’avérer un marché à fort potentiel avec le développement de la voiture autonome en ce qui concerne la sécurité avec son offre Jarvis. Ford, Baidu, Jaguar Land Rover (groupe Tata Motors) ont déjà déployé des logiciels de l’entreprise.

L’entreprise opère désormais aussi une activité de conseil en sécurité informatique, un secteur en plein essor à l’heure de la mise en conformité à la législation RGPD. Devant ces nouveaux succès, la province d’Ottawa vient d’investir plus de 40 millions de $ dans l’OS QNX.  En 2018 l’entreprise retrouvait enfin le chemin des profits avec un chiffre d’affaire proche du milliard de $ et une croissance de 10 à 15% dans le domaine logiciel.

Les enseignements

Si ce “smart reboot” a été un peu tardif mais salutaire, voici 3 enseignements à retenir pour la transformation digitale des entreprises :

  • Face à la vitesse du digital, il faut apprendre à pivoter… vite :  A l’heure du digital les marchés et les rapports de force peuvent évoluer drastiquement et subitement. On peut passer de leader à la quasi banqueroute en quelques années à peine si on rate un grand virage. Attention donc à l’arrogance dans un monde où seuls les paranoïaques survivent comme le rappelait l’ancien PDG d’Intel. Les difficultés soudaines de Huawei sous la pression américaine en sont une nouvelle illustration.

  • La force de l’écosystème : Nous sommes à une époque où nous ne pouvons pas réussir tout seul. Même les meilleurs développeurs chez RIM ne peuvent rivaliser en puissance de travail et en diversité d’idées avec un écosystème de centaines de milliers de développeurs qui reçoivent des commissions de la part d’IOS ou Android. Dans ses nouvelles activité, Blackberry Limited cherche désormais à multiplier les accords d’interopérabilité et à ouvrir ses solutions au plus grand nombre d’acteurs du logiciel.
     
  • Le logiciel dévore le monde : comme le rappelle Robert Tercek dans son livre Vaporize It : tout ce qui est peut-être digitalisé le sera. Et un logiciel est beaucoup plus facile et rapide à faire évoluer, à déployer,... Si vous êtes un acteur industriel, attention donc à tout ce qui pourrait remplacer des parties complètes de votre offre avec le cloud, le logiciel,... Attention aussi - comme dans l’automobile - aux acteurs du logiciels qui savent ‘itérer’ et donc lancer des nouveautés bien plus vite que vous.
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Emmanuel
Vivier
Co-founder

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Cofondateur du HUB Institute et de la conférence HUBFORUM, Emmanuel est reconnu comme l’un des experts internationaux de la transformation numérique et du marketing digital. Il conseille depuis 20 ans de nombreuses grandes marques telles que TF1, L’Oréal, Orange, Chanel, P&G, Vinci Energies, Nestlé, Renault, Bouygues, PWC, AirFrance…dans leur stratégie de transformation digitale et de communication 360.