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Amélie Oudéa-Castera (Carrefour) : 'Chaque contact avec un client doit être une source d'insight pour l'entreprise' | HUB Institute - Digital Think Tank

21/11/2019
11 min
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Amélie Oudéa-Castera (Carrefour) : 'Chaque contact avec un client doit être une source d'insight pour l'entreprise' | HUB Institute - Digital Think Tank

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Quelques semaines après le lancement du Lab Carrefour en collaboration avec Google, la directrice E-commerce Data & Digital du groupe revient sur les nombreuses facettes de l’innovation chez Carrefour : Révolution de l’alimentation, omnicanalité, remodeling des magasins, back office, tous ces sujets d’innovation ont un même carburant : la data.

Amélie Oudéa-Castera est une championne. De son brillant parcours académique - Sciences Po-Droit-Essec-Ena -, elle a acquis une gestion rigoureuse des dossiers. De sa carrière sportive – elle fut demi-finaliste à l’US Open, Roland Garros et Wimbledon - l’endurance et la capacité d’accélération. Après un passage par la Cour des comptes, elle a rapidement retrouvé dans le secteur privé le sel de la compétition : à l'issue d'un parcours de 10 ans au sein du Groupe Axa, jusqu’au poste de Chief Marketing & Digital Officer en 2016, elle a rejoint fin 2018 la direction de Carrefour, à la tête de la branche E-commerce, Data & Digital, avec pour mission de valoriser globalement le digital dans le cadre du plan Carrefour 2022. En 2018, Carrefour a réalisé plus de 30% de ventes en e-commerce alimentaire, et propose 15 000 références sur le drive, par exemple, au prix des hypermarchés.

Amélie Oudéa-Castera, Carrefour

 

Vous avez lancé il y a quelques semaines votre Lab en collaboration avec Google et Artefact. Comment se passe concrètement cette collaboration, et que vous apporte-t-elle ?

Amélie Oudéa-Castera : En effet, le Lab Carrefour Google a été lancé en mars dernier et, s’il est trop tôt pour parler de résultats, nous sommes très satisfaits de sa montée en puissance. Aujourd'hui, près de 25 personnes travaillent ensemble dans le cadre de feature teams, quatre teams pour être exacte. Elles réunissent  autour de missions polyvalentes des data engineers, des data scientists, qui travaillent étroitement avec les product owners. Sans oublier des business sponsors, car nous souhaitons que les cas d'usage sur lesquels nous travaillons correspondent à des problématiques métier ancrées dans la réalité. 

Le Lab est situé à Paris dans le 13ème, dans le bâtiment WeWork à deux pas de Station F. Nous pensons accueillir une dizaine de personnes supplémentaires d’ici la fin de l'année 2019, puis nous envisagerons au fur et à mesure de l’industrialisation de nos Minimum Viable Models (MVM), si nous avons besoin de talents complémentaires.

Nous sommes très heureux de la complémentarité des rôles avec notre partenaire Google, qui nous apporte l'accès à une technologie - Google Cloud Platform -, à des méthodes de travail, à des expertises qui nous challengent sur les cas d'usage, comme la méthode TenX , qui permet de vérifier que les modèles puissent avoir un large impact sur l'entreprise.  Par ailleurs, notre partenaire Artefact nous a aidé à constituer les feature teams, à avoir le bon niveau d'expertise, à nous rôder sur la préparation de nos MVM, avec pour prochaine étape d’industrialiser ces MVM et de bien les intégrer dans les roadmaps IT. Cette expérience est assez galvanisante d’un point de vue humain :

Comment travaille Le Lab Carrefour :

L’accord avec Google prévoyait également l'intégration de l’assortiment de produits Carrefour sur la place de marché Google Shopping Actions, ce qui a été réalisé avec diligence. Carrefour a été le premier acteur prêt sur cette marketplace sur la partie non-alimentaire. C’était un joli défi technique et technologique que de bâtir les bons connecteurs, les bonnes API pour intégrer prix et références de manière totalement seamless, challenge que nos équipes ont très bien relevé. Nous sommes maintenant en montée en puissance progressive puisque l’on va explorer quelques univers de consommation adjacents. 

 

Quelle place occupe le digital dans le plan transformation 2022 ?

Le plan Carrefour 2022 comporte quatre grands piliers : le pilier central concerne la transition alimentaire, le deuxième pilier porte sur le modèle omnicanal de référence que nous voulons bâtir, le troisième pilier est relatif aux coûts et à la productivité, et le dernier pilier se concentre sur l’évolution de notre organisation et le changement culturel.

Or la data est présente dans toutes ces dimensions : au regard des enjeux de la transition alimentaire, elle permet une connaissance granulaire de l’assortiment ; elle structure l'omnicanalité, en imbriquant les parcours client et en suivant la valeur client au global ; elle contribue de manière très importante à la baisse des coûts aux enjeux de productivité, par exemple pour produire de très bonnes prévisions des commandes e-commerce et ainsi calibrer la taille des équipes de picking ou optimiser la gestion des stocks. Enfin sur les enjeux de changement culturel, on va mesurer des indices de satisfaction collaborateur. En fait, cette culture de la data est en train d'infuser sur l'ensemble du plan Carrefour 2022.

Le rôle de la data chez Carrefour :

Quelles sont les données clients que vous collectez ?

Il est extrêmement important que chaque contact avec un client soit une source d'insight pour l'entreprise. Nous allons analyser les données de navigation (cookies), les informations liées aux millions de transactions quotidiennes (tickets de caisse) - informations de grande valeur car elles sont bien structurées -. Nous regardons également des données CRM (interactions clients, retours, réclamations, etc.), et enfin les éléments de perception par nos clients : enquêtes NPS (Net Promoter Score = enquêtes de satisfaction – NDLR), baromètres à chaud, éléments de perception de la marque. Ce sont autant d’éléments de feedback pour nous permettre d'améliorer de manière continue la qualité de l'expérience client.

 

Comment abordez-vous le marketing prédictif ?

Dans le cadre du Lab, nous travaillons sur des IA s’appuyant sur des modèles prédictifs, par exemple pour anticiper les effets d’une promotion, minimiser les ruptures de stock ou prédire les promotions les plus susceptibles d’impacter tel ou tel profil de client :

L’IA prédictive chez Carrefour :

 

Qu’en est-il de l’expérience digitale in store ?

J'ai coutume de dire que la transformation digitale chez Carrefour revêt trois dimensions : la dimension e-commerce, la dimension déploiement en magasin, et la dimension foodtech. Le digital en magasin est donc très important et prend beaucoup de visages complémentaires : les étiquettes électroniques, les applis des pickers pour qu'ils puissent piloter leur productivité, savoir plus vite où trouver le bon produit, répondre à la demande d'instantanéité du client.  Nous regardons également des expériences comme la détection rapide des manquants en linéaire, via des données collectés par des caméras ou des capteurs.  Autour du store, on va essayer de travailler sur le géomarketing, pour animer notre zone de chalandise. 

On le voit,  c'est une série d'innovations, qui visent à la fois à délivrer aux clients une meilleure expérience - scan and go, self checkout, etc. jusqu’au paiement, grâce à notre entité Carrefour Pay - mais aussi, pour nos personnels en magasins, des innovations pour pouvoir travailler dans des conditions meilleures et plus efficaces. Ce mouvement va s’accélérer dans les mois à venir

 

Au delà du magasin, quels sont vos prochains axes d'innovations dans l’expérience client ?

Sur nos interfaces e-commerce, nous cherchons à diversifier les façons de faire ses courses, en utilisant toutes les interactions possibles comme la voix (c’est le sens du projet que nous préparons avec Google dans l’alimentaire), ou en étendant notre présence sur des marketplaces, qu’elles soient opérées par nous dans certaines zones géographiques ou par des tiers comme Google Shopping Actions. Bref de proposer de nouvelles modalités, les plus pratiques possibles, pour commander un produit, notamment un produit alimentaire si je reviens sur notre stratégie e-commerce. La réponse passe donc par le design, l’UX.

Nous innovons également par les optimisations technologiques de notre chaîne logistique, du picking au pilotage des entrepôts. Il s’agit d'avoir la bonne densité technologique, le meilleur rapport possible entre certaines formes de robotisation et la précision des êtres humains sur un certain nombre de tâches.

L'innovation chez Carrefour est vraiment multi multiforme, elle s'incarne aussi dans le magasin du futur, ou même dans la diversification des moyens de paiement, deux aspects sur lesquels nous sommes plutôt en avance. C'est ce qui rend cette industrie du retail assez unique : c'est une innovation rapide et tous azimuts, il y a une telle intensité concurrentielle qu’il faut être en capacité d’agir sur tous les maillons de la chaîne, de galoper pour innover.

 

Quels sont les enjeux de l’innovation food tech pour Carrefour ?

 Ce qui se passe dans l’univers de la food tech est assez fascinant parce qu'on voit une chaîne de valeur se recomposer complètement sans qu’il soit possible pour l’heure de prédire qui aura le business model gagnant, entre ce qu'on appelle les cloud kitchens, centrées sur la production culinaire et adaptées aux pratiques du e-commerce, les opérateurs de meal kits, de food delivery... 

Carrefour a un projet qui est très fort aujourd'hui sur l'alimentaire, c'est d'arriver à répondre le mieux possible à cette diversification croissante des usages par rapport à la nourriture, à travers d’une part le bouquet de marques historiques (Reflets de France, Carrefour Bio, etc.) mais aussi en se positionnant sur du plat cuisiné, la livraison à domicile de plats chauds ou le business traditionnel d'épicerie réinventé grâce à une offre de recettes. 

Food tech, la révolution de l'alimentation :

Comment participez-vous à cette innovation avec les nouveaux acteurs ? 

Notre équipe innovation, et son département Open Innovation, est en charge du sourcing des startups.  Par ailleurs la Direction des Nouvelles Activités étudie quelles startups nous pourrions acquérir et pour construire quel type de business model. Nous avons aussi des connexions fortes avec un certain nombre de fonds d'investissement, Partech par exemple, d'incubateurs, parfois une formule  hybride entre les deux (par exemple Lafayette Plug and Play dans l'univers du groupe Galeries Lafayette). Ces grands partenaires de confiance nous permettent d'avoir une lecture avancée des trends, un accès à des entrepreneurs.  Et bien sûr il y a notre propre volonté d'aller à la rencontre de ces entrepreneurs, d'échanger, d'avoir un intérêt authentique pour leur vision. Carrefour a l’ambition d’être l'un des acteurs de cette rénovation des modèles alimentaires.

 

Si l’innovation est un avantage compétitif pour le commerce, quelle place prend le facteur prix aujourd’hui ? 

De nombreux signaux montrent que le prix demeure très important. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que dans que dans la société aujourd'hui, le pouvoir d'achat est un enjeu majeur. Carrefour a toujours été très attentif à cette question en même temps qu’à celle de la qualité, et donc à permettre à nos clients d'avoir accès à une gamme de promotions très attractives et régulièrement animées. La perception par le client d'un bon rapport qualité-prix reste absolument centrale dans leur envie de consommer dans telle ou telle enseigne. 

En e-commerce, c'est peut-être encore plus important, car la concurrence est à un clic ! Nous devons veiller en permanence à la compétitivité de notre offre, à la captation en temps réel des prix sur le marché pour rester toujours compétitif, et enfin travailler sur nos propres process, de façon à ce que l'ensemble de notre chaîne de fonctionnement soit optimisée, et que nous puissions offrir à nos clients ce meilleur rapport qualité-prix. 

 

Comment voyez-vous évoluer les programmes de fidélisation ? 

Nous avons lancé en février 2019 un nouveau programme de fidélisation qui donne de bons résultats. Nous avons différentes réflexions ou implémentations de formules d'abonnements dans certaines des startups du giron de Carrefour (Quitoque et Croquetteland - NDLR), mais pour nous le point critique, c'est la pertinence : on a parlé d'intelligence artificielle, je suis frappée de voir que lorsqu'on tient compte de tous les insights que nous avons à notre disposition, nous parvenons à multiplier par deux l’activation des coupons par les clients ! C’est par l’utilisation de la data que le client a bien voulu nous donner que va se jouer cette bataille de la fidélisation.

 

Entre le new retail à l’américaine et le new retail à la chinoise, Carrefour peut-il incarner une troisième voie ?

Nous sommes évidemment très vigilants à des concepts comme Hema en Chine, ou à la façon dont Walmart agit pour se renouveler, ou encore l'alliance entre Amazon et Whole Foods.  En même temps, nous nous efforçons d'avoir en effet une touche très ‘Carrefour’ avec par exemple :

  •  le programme Act for Food sur la transition alimentaire
  •  la diversité de nos marques avec une lisibilité claire pour le client, 
  •  notre travail sur la qualité du parcours client omnicanal
  •  la façon dont nous pensons le remodeling de nos magasins

Le magasin est le lieu de promotion de notre offre omnicanal, mais aussi un lieu théâtralisé, où ça bouge en permanence, où l’on trouve l’innovation et la modernité. 

La touche Carrefour’ selon Amélie Oudéa-Castera :

La modernité, c’est aussi répondre à de nouveaux usages, comme les food courts qu'on a vu émerger aux Etats-Unis pour offrir aux clients qui viennent déjeuner dans une galerie marchande ou dans un hyper une diversité culinaire. La patte Carrefour, c'est enfin cette richesse et cette profondeur de gamme y compris sur l'alimentaire. C’est enfin un magasin qui reste une destination, avec en plus une dimension omnicanale et une dimension servicielle.

 

La ville change, quel impact à terme pour le commerce, et pour Carrefour en particulier ?

L'insertion du commerce dans la ville dans cinq à dix ans va reposer sur une multitude de facteurs, y compris l'empreinte carbone d'un magasin, je pense que ça deviendra un facteur de choix de destination. La gestion du trafic, toute cette bataille - traditionnelle dans le retail - sur la qualité de l'emplacement, la manière dont il y a une desserte efficace ou pas, va être absolument critique. De même, la bataille du last mile sur le e-commerce est majeure :  il faut être efficace sans que ce ne soit trop coûteux ou trop polluant.  Les enjeux sont absolument gigantesques ! En fait plus que jamais, nos magasins et nos opérations sont en résonance avec l'environnement.

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