Comment les revendeurs peuvent-ils se réinventer ?
Coincés entre grossistes et consommateurs, les revendeurs ont été pendant longtemps le canal d'achat préféré des consommateurs. La diversité des produits proposés et la facilité de l'acte d'achat faisaient d'eux un maillon tout puissant de la chaîne logistique. Un statut d'ultradominant qui s'effrite depuis plus de vingt ans.
En effet, les comportements d'achat ont changé beaucoup plus vite que ne pouvaient changer les revendeurs. Facilité du commerce en ligne, importance du marketing expérientiel, recherche de sens et de valeur de la part des consommateurs, impact environnemental… les revendeurs ne se distinguent plus.
Et si on y ajoute les impacts potentiellement désastreux de la pandémie de Covid-19, il y a de bonnes raisons de trembler. Aux États-Unis, ce sont des faillites en série qui se déroulent avec des marques comme J.C. Penney, Neiman Marcus et J. Crew qui baissent le rideau. Trop de magasins et pas assez de clients dans un univers où la consommation se transforme. Pour survivre, il n'y a qu'une solution possible : se réinventer. Et vite.
Le revendeur old school en péril
On l'a tous déjà fait : se rendre en magasin pour chercher des renseignements sur un produit, le manipuler, l'essayer et poser des questions au vendeur, avant de l'acheter le soir même sur Amazon. C'est un comportement caractéristique de ces vingt dernières années. Puisque les canaux de consommation sont nombreux, les clients peuvent les combiner pour créer une expérience qui correspond à leurs attentes.
Avec l'avènement des DNVB, on assiste à une recomposition du commerce. Aujourd'hui, tout est accessible directement sur le web. Et le rôle du revendeur comme on le connaît a de moins en moins de valeur ajoutée. D'ailleurs, de nombreuses marques n'intègrent même pas le prix de cet intermédiaire dans leur business model. Résultat : les revendeurs sont en péril. La solution réside alors dans leur capacité d'adaptation afin de ne pas reproduire un modèle qui ne fonctionne plus, mais imaginer celui de demain.
Reconfigurer l'espace physique pour se réinventer
Les revendeurs disposent d'un avantage très important par rapport aux pure-players du digital : leur espace physique. C'est dans ce lieu que se vit l'expérience, le contact unique avec les marques, la recherche de nouvelles tendances, et l'ambiance unique qui peut s'en dégager. Et ce lieu, s'il est repensé, peut devenir la clé de leur nouveau modèle. On retrouve ainsi ce qui a fait le succès de la boutique Colette pendant 20 ans à Paris, grâce à des sélections de produits soignées, des vitrines exclusives imaginées chaque semaine par des créateurs différents, et son célèbre bar à eaux en sous-sol.
Pour construire ce type d'expériences, il n'est pas nécessaire d'être une marque de luxe ultra pointue. Ce qui importe, c'est que les boutiques ne doivent pas être de simples locaux physiques, mais des lieux expérientiels et médiatiques. Le but premier n'est pas de vendre un produit, mais de proposer une expérience : une ambiance, une démonstration, un test, un essai, un univers, etc. Ne vendez pas de la bière, mais organisez des ateliers de dégustation, des recettes, et des bières uniques ou millésimées. Ne vendez pas du maquillage, mais des produits nouveaux, bio, personnalisés, accompagnés de séances, cours et ateliers pour soigner son visage. Plus l'expérience sera unique, mémorable et personnalisable, plus elle créera de la valeur aux yeux des clients.
Imaginer un nouveau business model
Pour les revendeurs, l'espace physique doit être repensé. Cela ne veut pas dire proposer un maximum de produits alignés sur des cintres ou des étagères, mais moins de produits mieux mis en valeur dans une forme nouvelle pour théâtraliser leur mise en scène. L'objectif est alors de rediriger les clients vers le site de la marque (ou de commander en ligne). La boutique devient un canal de découverte et non un canal de conversion directe.
Ce changement de paradigme implique la mise en place d'un nouveau business model où le revenu des revendeurs est lié aux frais payés par les marques selon la place accordée dans les locaux. Et ici, on ne parle pas que de superficie, mais aussi de business intelligence.
Car au-delà de l'espace, ce que le revendeur doit monétiser réside dans sa capacité à collecter, agréger et analyser les données de sa boutique. Nombre de visiteurs uniques, interactions dans le magasin, conversions in store, inscription en ligne… la réussite passe par la combinaison entre les nouvelles technologies et l'expérientiel. Un changement d'état d'esprit radical qui se caractérise par des innovations technologiques comme :
- Une heat map : avec un système de capteur, vous savez quelles sont les zones qui génèrent le plus de passage dans votre magasin.
- Un système d'in-store analytics : basée sur le wi-fi, le Bluetooth ou des capteurs Beacon pour envoyer des informations personnalisées, visualiser les fréquences des visites, reconnaître les clients fidèles, mesurer le temps d’attente en caisse, en rayon ou dans les cabines d'essayage, et mesurer l’impact d’une opération promotionnelle.
- La digitalisation des supports physiques : c'est, par exemple, le cas de Walgreens, célèbre détaillant américain, qui teste des réfrigérateurs intelligents capables de scanner votre visage et de se souvenir de votre comportement.
- Des vendeurs augmentés équipés de tablettes pour interagir plus facilement avec les clients, de présenter des produits et de faire une commande en direct sur le site de marque.
- La réalité augmentée pour afficher des informations connexes sur un produit à partir d'un smartphone (processus de fabrication, composition, conseils d'utilisations, cross-selling, etc.).
- Des cabines d'essayage connectées pour régler la luminosité, contacter le vendeur, demander un produit spécifique et commander directement en ligne une fois le vêtement essayé sans avoir à repasser par les caisses.
Aux côtés des revendeurs traditionnels, devraient donc émerger des revendeurs expérientiels qui seront capables d'appréhender les changements qui touchent le monde du commerce. Des magasins qui devront se concentrer sur l'expérience du client et qui renversent le statu quo. Le revendeur ne sera plus le client de la marque. Au contraire, la marque deviendra le client du revendeur. Ces derniers pourront devenir un lieu intermédiaire, publicitaire et marketing qui mise sur l'immersion. Un deal triplement gagnant pour le revendeur, le client et la marque afin de créer un nouvel espace à forte valeur ajoutée entre expérience client et phygitalisation.