Les enjeux de gouvernance de la ville durable et connectée
Faire de la Smart City le fer de lance de la lutte pour le climat
Issy-les-Moulineaux est une petite ville mais Eric Legale la définit comme le cluster de l’innovation du Grand Paris car sa transition digitale, démarrée il y a déjà longtemps, est désormais achevée. Pour lui, la smart city doit se mettre au service de la lutte contre le changement climatique et permettre l’adaptation face à ce changement.
Il n’y a pas de collapsologie, on peut agir à notre échelle.
- Eric Legale, Directeur général d'Issy Média
Eric Legale n’est pas fataliste et présente des chiffres éloquents faisant état d’une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 26% en 15 ans à Issy les Moulineaux. Un succès dû à la capacité d’adaptation de la ville selon lui, et au fait qu’elle a su donner à la technologie une place centrale.
On ne va pas sauver la planète en buvant du lait de vaches heureuses.
- Eric Legale, Directeur général d'Issy Média
La ville a réalisé un audit avant la dernière élection afin de préparer ses prochains chantiers. Eric Legale partage avec nous quelques constats :
- On observe une évolution de l’usage de la voiture individuelle
- La rénovation urbaine et la construction du neuf aux nouvelles normes ont un vrai impact.
Il appuie ce point en partageant avec les réalisations positives opérées dans le quartier du fort d’Issy. Ses 1600 logements hébergeant 4000 personnes sont chauffés exclusivement à la géothermie et dotés d’outils permettant de suivre la consommation d’énergie de manière individuelle. Il s’agit du 1er éco-quartier d’Issy-Les-Moulineaux et de la plus belle illustration de la stratégie smart city de la commune.
>> Retrouvez toutes les photos du Sustainable Cities Summit
Ville très ouverte à l’innovation et à l'expérimentation, c’est par ce moyen que la ville tente d’apporter des réponses aux questions que les gens se posent. Via la mise en place de smart grids dès 2011, de véhicules électriques ou à hydrogène pour les livraisons, de paiement mobile pour les parking ou encore des navettes autonomes.
Eric Legal indique qu’il s’inspire d’autres acteurs, comme la ville d'Oslo, qui fait 10 fois la taille d’Issy-le-Moulineaux et ayant 10 fois sa consommation de CO2. Avec une règle : "Chaque année on fixe des objectifs atteignables." Ces projets ne sont réalisables que dans la mesure où toutes les conditions sont réunies : un bon réseau, des capteurs et de la donnée.
Avec le lancement d’un fond de dotation pour aider à innover dans ce domaine, la ville d’Issy-les-Moulineaux ouvre sa porte et accueille toutes les contributions, publiques et privées, pour continuer à s’engager.
Les enjeux d’un small business act local au cœur de la relance
L’achat public innovant : un sujet a priori moins sexy que d'autres, mais tout aussi important, comme l'introduit en plaisantant Jean Delalandre, DG du Comité Richelieu. Cet enjeu se caractérise par deux notions : compétitivité et administration, avec en toile de fond les attentes des citoyens.
Je viens vous parler d’un rouage. Un rouage dans une grande mécanique économique, mais un rouage qui est absolument essentiel.
- Jean Delalandre, DG du Comité Richelieu
L’enjeu est simple : moderniser l’administration et répondre aux attentes des citoyens tout en favorisant le développement des entreprises innovantes. La crise de la COVID-19 le rend encore plus stratégique, alors que les exigences de transformation des territoires et des politiques de relance se renforcent. Pour tout ce qui touche à la EdTech, la télémédecine ou encore le télétravail, la demande sociétale est encore plus forte post-COVID.
Les règles de la commande publique innovante ont évolué dans le bon sens les dernières années, alors que les entreprises innovantes sont nombreuses et offrent des solutions en masse. Par ailleurs, avec les "partenariats d’innovation" et le rehaussement des achats sans mise en concurrence, l’achat public innovant n’en est que facilité. La direction juridique des ministères, le ministère des Finances à Bercy ,a même établi un guide complet pour accompagner dans l’achat public innovant. Des aides sont également mises en place. Pourtant, les administrations restent frileuses.
Pour Jean Delalandre, il faut agir maintenant, acculturer, expérimenter, et ce à travers de :
- Diffusion active d’informations sur les règles de la commande publique innovante
- Renforcement des soutiens financiers aux collectivités qui souhaitent acquérir des solutions innovantes
- D’actions pour la rencontre, la compréhension et la confiance entre acheteurs publics et entreprises
- Expérimentation d’un Small Business Act territorial dédié à l’innovation
Jean Delalandre note qu’il y a une dimension culturelle à cette appréhension vis-à-vis de l’innovation, surtout dans les administrations qui ont plutôt tendance à rédiger des cahiers des charges excluant d’emblée l’innovation, même sans le vouloir.
Exploiter les données territoriales : un enjeu pour les collectivités
Les collectivités produisent et gèrent de plus en plus de données. Pour les territoires, et plus particulièrement pour les petites et moyennes collectivités, la gouvernance de la donnée est un enjeu stratégique et opérationnel, mais également un levier de résilience.
Dans les territoires, les sources de données se multiplient avec notamment la billettique, les capteurs de flux piétons pour mesurer l’attractivité des centres villes, le crowdsourcing et les réseaux sociaux. On assiste à l’apparition de nouveaux métiers tout au long du cycle de vie de la donnée. En revanche, on observe un manque d’acculturation et de moyens sur le sujet indique, Jeanne Carrez-Debock qui déplore le manque de cas d’usages pour convaincre.
Elle précise les 3 dimensions de la gestion de la donnée :
- Technique
- Juridique
- Gouvernance
La collectivité est une animatrice de la communauté autour de la donnée.
- Jeanne Carrez-Debock, Responsable du programme smart city pour la Banque des territoires
De 2015 à 2020, elle observe que les collectivités ont été assez rapides pour se doter d’une stratégie de la donnée. Toutefois la réflexion sur une trajectoire idéale pour accompagner les territoires à s’ouvrir à la donnée reste complexe. Il existe bien des étapes mais y-a-t-il une recette meilleure qu’une autre ? Faut-il ouvrir ses données dès le départ ? À quel moment bâtir ses règles de gouvernance ? Faut-il écrire une doctrine ?
La Banque des territoires est convaincue et milite au quotidien pour l’accompagnement des collectivités locales via le programme "action coeur de ville". Ce programme consiste à développer des missions de conseil, à soutenir aux expérimentations, à investir dans des start-ups pour fournir des solutions clé-en main aux collectivités.
En matière de transition énergétique, il y a des cas très classiques et connus (éclairage, bâtiment…) mais aujourd’hui les actions que souhaite mener la Banque des territoires sont plus exploratoires : avec Toulouse, et ses recherches sur les îlots de chaleurs, avec Besançon et ses capteurs sur les bacs à déchets, avec Saint-Brieuc mieux valoriser la donnée en ville ou encore plus récemment avec La Rochelle et son projet de self-data pour que les citoyens testeurs puissent comprendre l’empreinte carbone de leur mobilité.