New Retail : à la recherche de l'Amazon Go-killer | HUB Institute - Digital Think Tank
Amazon opère 9 supérettes automatisées Go dans 3 villes (Seattle, Chicago et San Francisco). Et selon Bloomberg, le mastodonte du e-commerce ne compte pas s'arrêter là et vise l'ouverture de 3000 unités de ce type dans les prochaines années. La brèche ouverte par Amazon et sa vision de l’automated-commerce ouvre de fait un territoire de marché dans lequel de nombreux acteurs s’engouffrent, qu’ils soient startups ou acteurs technologiques déjà établis.
"Unmanned shops"
A la dernière NRF, point de rencontre global pour tous les acteurs du retail engagés dans la transformation, le concept Nanostore a marqué les esprits. Développé par la startup californienne AiFi, ce container propose une surface de vente d’environ 18 mètres carrés, quelque part entre la petite épicerie de quartier et le distributeur automatique. "Unmanned shop" (magasin sans employés) truffé de caméras et de capteurs sur étagères, Nanostore ouvre ses portes à celui qui swipe sa carte de crédit ou présente l’app mobile du magasin. AiFi, dont le modèle consiste à fournir cette solution en marque blanche aux distributeurs, a déclaré à New York que des distributeurs comme Carrefour ou le polonais Zabka auraient marqué leur intérêt pour la solution.
L'intelligence artificielle, combinée aux aux caméras et aux smart shelves (étagères intelligentes), irrigue tous les dispositifs de ce qu'on appelle l'automated-commerce. C'est ainsi que Mighty AI, startup américaine spécialisée dans les technologies destinées à la conduite autonome comme le computer-vision, a élargi ses activités au retail, après avoir été approché en ce sens par Standard Cognition qui développe des solutions de checkout sans caisse à destination des distributeurs. Aux dires de son cofondateur Michael Suswal, interviewé par le media américain Bloomberg, même si les technologies auraient avancé sans, la percée d’Amazon a légitimé la vision et poussé la concurrence à se jeter rapidement dans la bataille.
Et les investisseurs suivent : la mise du capital-risque dans les entreprises américaines qui explorent l’automation destinée au commerce physique a presque triplé entre 2017 (date d’ouverture du premier Amazon Go) et 2018, passant de 40 à 111 millions de dollars – dont une levée de fonds majeure pour Standard Cognition, avec 40 millions de dollars en novembre 2018. La startup vient d'ailleurs de racheter Explorer.ai, une société spécialisée dans la cartographie et la vision par ordinateur qui, elle aussi, adressait à l'origine le secteur de la voiture autonome. Cette acquisition a pour objectif de permettre le déploiement de solutions cashierless dans de plus grandes surfaces de vente.
De nombreuses incertitudes demeurent encore quant au déploiement à grande échelle de ces concepts complètement automatisés : AiFi avait prévu le lancement d’un magasin-pilote de la taille d’une épicerie traditionnelle pour le compte d’un distributeur non identifié avant la fin 2018, évoquant un système « pas encore au point », reporté à 2019 sans en préciser outre mesure les motifs. Amazon avait aussi accumulé un retard certain sur son calendrier avant de lancer le premier Go à Seattle.
Smart Shelf et Zippin se positionnent ouvertement comme des concurrents directs de la technologie d’Amazon Go. Zippin, solution software créée par d’anciens cadres d’Amazon, consiste en une app à télécharger, puis à compléter avec ses informations de paiement. Celle-ci génère un QR Code qui permet d’entrer et sortir dans le magasin, tandis que la solution software, combinaison de computer vision, reconnaissance visuelle et smart shelves, se charge de savoir pour combien vous avez acheté. Et la note vous est ensuite transmise par mail. Zippin a ouvert un magasin-pilote à San Francisco.
Smart Shelf Frictionless Shopping utilise aussi le computer vision, des capteurs installés sur les étagères, la détection des mouvements et le machine learning. Pour rentrer dans le magasin, une double authentification est nécessaire, par l’application et la reconnaissance faciale.
En Asie aussi, les grands acteurs s'emparent de la question. JD.com développe son concept automatisé X-Mart. Après une vingtaine d'ouvertures en Chine, JD.com a déployé le concept pour la première fois hors de son marché domestique, à Jakarta, en Indonésie. Le dispositif X-mart utilise la reconnaissance d'images, le RFID et les QR Codes. Alibaba, outre son approche ultra-digitalisée Freshippo (ex-Hema), teste aussi des prototypes sans employés comme Tmall Future Store.
Approches plus légères
Bien sûr, d’autres acteurs proposent des approches moins radicales de ces nouvelles technologies appliquées au retail. Moins d’effet wahou mais plus d’agilité pour le distributeur, qui pourra éviter de revoir de fond en comble la structure de ses points de vente pour y injecter des dispositifs intelligents. C’est en tout cas le positionnement de la startup américaine Caper, qui les embarque dans le chariot de courses. Equipés d’un écran, d’un lecteur de code-barres et d’un terminal de paiement, ils font aussi office de balance pour les articles vendus au poids. Selon le fondateur, le chariot est aussi auto-apprenant : chaque article est pris en photo pour qu’à terme, les articles soient reconnus sans même que l’acheteur ne les scanne. Le chariot peut aussi guider son utilisateur dans les allées du magasin et les alerte lorsqu’ils sont à proximité de promotions en cours.
Les startups Tracxpoint en Israël, Hanshow en Chine ou Focal Systems aux Etats-Unis développent des concepts assez proches, avec des chariots dopés à l’intelligence artificielle et à la vision par ordinateur. Le français Caddie annonçait aussi début 2018 travailler à la question avec deux startups.
Enfin, certains travaillent à la délocalisation du paiement sur le smartphone, tout simplement. C'est le cas de FutureProof Retail, qui propose une solution SaaS d'encaissement déportée sur mobile. Le client télécharge l'application de l'enseigne, y renseigne ses identité, photo et coordonnées bancaires, puis scanne les codes-barre pour constituer le panier, avant de scanner un QR code "mobile checkout" en sortie de magasin. Moins fluide dans l'expérience, mais plus simple à mettre en oeuvre, FutureProof Retail gère le risque de fraude avec un processus de vérification sur un échantillon de sacs. La solution a été déployée dans les enseignes Fairway Market à New York, et par le groupe Colruyt en Belgique, pour ses enseignes Spar et Okay. Ce type de parcours "coupe-file" est déjà proposé en France par Monoprix (groupe Casino), qui propose depuis la rentrée 2018, l'encaissement sur smartphone dans tous ses magasins, sous la marque monop'easy.
Les distributeurs traditionnels également sur le front
Du côté des acteurs traditionnels aussi, on cherche évidemment à se positionner sur le nouveau paradigme, tendant vers le "Grab and Go" (littéralement "Attraper et partir"). Walmart et Microsoft ont signé un partenariat stratégique en 2018, destiné à déployer l’activité digitale du distributeur dans le cloud Azure, mais aussi à utiliser les outils d’intelligence artificielle de la firme de Redmond appliqués au "New Retail". A New York, Microsoft et le distributeur Kroger (2 800 points de vente alimentaires) ont également annoncé un partenariat destiné à développer l’épicerie de demain, avec deux projets pilotes, à Monroe dans l’Ohio, et Redmond dans l’état de Washington. Smart shelves, capteurs IoT, publicités ciblées, self check-out… pour fluidifier l’expérience utilisateur en magasin mais aussi améliorer l’excellence opérationnelle des distributeurs, le tout propulsé par Microsoft Azure et Azure AI.
En France, le groupe Casino explore le concept avec le lancement à Paris de 4 Casino, son concept store phygital ouvert 24/24 et 7/7. Ici, le paiement se fait via l'application, et la sortie se fait par scan de la note globale sur le portique. Mais il s'agit désormais de dépasser le simple "Scan and Go" pour tendre au "Grab and Go", déjà en rodage dans le magasin. Carrefour devrait aussi se lancer dans la course, avec un projet-pilote de 56 mètres carrés dont l'ouverture est prévue au printemps, en test auprès des employés, au siège de Massy en Essonne. D'après le magazine spécialisé Linéaires, il utiliserait la reconnaissance faciale pour la validation du paiement. Enfin, citons Decathlon qui pratique aussi l'approche Scan and Go, mais aussi le paiement via RFID via une caisse autonome qui lit le panier dans sa globalité. Le RFID est également utilisé par Auchan dans son concept "Auchan Box" à Shanghai, en partenariat avec la startup chinoise Bingobox.