Comment apprendre à [dés]apprendre en entreprise

"Apprendre à apprendre" : c'est sur ce thème choisi et cher aux entreprises visant à devenir des organisations apprenantes que s'est déroulée la 4e matinée d'échanges du HUBKLUB RH & Leadership*, qui réunit chaque mois des responsables RH, de la formation et de l'innovation.
"Apprendre à apprendre" : c'est sur ce thème choisi et cher aux entreprises visant à devenir des organisations apprenantes que s'est déroulée la 4e matinée d'échanges du HUBKLUB RH & Leadership*, qui réunit chaque mois des responsables RH, de la formation et de l'innovation. Caroline Loisel, animatrice du HUBKLUB RH & Leadership, a guidé son auditoire au travers d’un parcours initiatique pavé de notions de neurosciences à l'ère du numérique, jusqu’à la découverte de nouvelles formes d’apprentissage professionnel. Elle s’est aidée en cela de l’expertise scientifique de Sandrine Bélier, mais aussi du vécu personnel de personnalités comme Mélanie Mantel & Artus de Longuemar, jusqu’au retour d’expériences en entreprise de cadres d’Alstom et Total. Comment a évolué la connaissance de notre potentiel cognitif ? Comment créer les meilleures conditions d’apprentissage ? La dichotomie entre apprentissage distanciel/physique a-t-elle encore un sens ? Compte-rendu !
Les neurosciences entrent en jeu
C’est Sandrine Bélier, consultante RH chez SBT / Human(s) Matter et doctorante en psychologie cognitive, qui a ouvert la matinée en tordant le cou aux idées reçues et aux "biais cognitifs" en matière de capacité du cerveau humain. Nous apprenons par exemple que que si un cerveau bien reposé apprend mieux, il n'apprend certainement pas mieux en dormant. Pas la peine donc d'apprendre par coeur avant de se coucher. D'ailleurs, l'apprentissage par coeur est bel et bien une ineptie de l'apprentissage pour ceux qui en douteraient toujours. D'autres fausses idées se sont intégrées à la conscience collective par l'intermédiaire de la fiction... "Avec la popularisation de films comme "Lucy" de Luc Besson, il faut apprendre aujourd’hui à faire attention aux neuromythes. Non, on n’utilise pas que 10% de notre cerveau, soyez en sûr, chacun de vos collaborateurs exploite pleinement le sien. L’enjeu est avant tout d’améliorer le potentiel de cette exploitation cérébrale."

C’est ici qu’intervient théoriquement la formation. Du milieu scolaire jusqu’à l’entreprise, le collaborateur doit apprendre à mieux tirer parti de ses capacités cognitives, à optimiser son travail et sa réflexion. Dans le même temps, les neurosciences permettent de relever des lacunes dans la manière de former les collaborateurs au sein des entreprises. Par exemple, l'on sait aujourd’hui que "l’attention est une ressource limitée que chacun alloue différemment" de même qu'"il existe plusieurs types de mémoire". Ces nouveaux savoirs révélés par les neurosciences impactent les parcours de formation qui intègrent ces données cognitives pour mieux concevoir des dispositifs davantage personnalisés en fonction de la psyché des collaborateurs.
Dans de nombreux métiers, on a parlé de l’expérience utilisateur (UX) puis de l’expérience consommateur (CX), il semblerait que même en matière de formation, "l’expérience" apprenante soit un enjeu majeur de la transmission de savoir en entreprise. La question se pose alors : doit-on apprendre à apprendre ou apprendre à désapprendre les mauvaises habitudes acquises au fil du temps ? Pour Sandrine Bélier, la réponse passe d’abord par la capacité de chaque collaborateur à se connaître lui-même (principe de "métacognition"). Si l’employé se connaît, alors le manager d’entreprise ou le responsable RH est à même de mieux saisir sa personnalité et de veiller à la sauvegarde de son cadre de vie et de sa motivation : deux facteurs clés pour l’apprentissage.
A la question "Doit-on commencer par apprendre à désapprendre ?", Mélanie Mantel, Head of HR Development chez OVH, répond catégoriquement non alors qu’elle commente son parcours atypique, de l’entreprise traditionnelle qu’est Bonduelle au management plus horizontal chez OVH : « Non je ne dois pas désapprendre ce que m’ont appris mes expériences au sein de Bonduelle. Même si OVH est une société très différente, ces expériences me servent tous les jours. L’enjeu est de savoir les exploiter pour s’adapter au changement. »
Se connaître soi-même et connaître ses salariés
Mélanie Mantel se retrouve donc propulsée au sein d’une société avec déjà près de 2000 employés, et qui projette d’atteindre les 10 000 collaborateurs. OVH met ainsi en place une stratégie de recrutement massive reposant essentiellement sur l’association d’une philosophie d’ouverture et de la formation.

OVH se définit comme une société plus libérante que libérée et surtout libriste (donnant libre accès à ses ressources)." Ces derniers sont "des passionnés qui souhaitent apprendre tous les jours. Lorsqu’ils rentrent chez eux, ces "geeks" se connectent à des communautés de hackers, échangent, enseignent et apprennent. Pour eux, la formation est ininterrompue et volontaire." Consciente du profil de ses collaborateurs et partageant leur goût pour la mutualisation et l'échange, OVH développe actuellement une plateforme de formation où l’entreprise entend mettre à diposition ses savoirs à l’ensemble de ses employés.
"A terme, nous comptons parfaire cet aspect "libriste" de notre philosophie en ouvrant notre plateforme de formation à l’extérieur pour accroître les connaissances partagées à nos collaborateurs, mais aussi attirer toujours plus de profils car l’accès open-source à notre savoir est un véritable argument de recrutement."
Artus De Longuemar, dirigeant de 2 Startups, rebondit sur ces propos : "Nous avons déjà tous la capacité d’apprendre à apprendre. Le véritable enjeu est d’arriver à mettre en place le cadre qui laisse la place à cette aptitude naturelle." S’il est important pour l’entreprise de comprendre ses employés, il est aussi essentiel que les employés se connaissent eux-mêmes. Artus de Longuemar parle ainsi de "l’importance du savoir être, tant pour l’employeur que l’employé."

Travailler au sein d’OVH implique le passage obligatoire par « l’ennéagramme ». Il s’agit d’un système permettant à chacun de modéliser la structure de sa personnalité et ainsi « d’apprendre à se connaître. Les résultats sont personnels et n’ont pas à être partagés, mais cette connaissance de soi permet à nos salariés de confirmer ou d’améliorer leur évolution au sein de la société », précise Mélanie Mantel.
Formation distancielle ou présentielle ?
Si l’e-learning via les MOOCS et autres procédés de formation dits "distanciels" a le vent en poupe et se développe de plus en plus, les formations en "présentiel" sont loin d’avoir disparu pour Alan Lambert, Head of Global Management Programs de Total et Philippe Dume, Digital Transformation Director d'Alstom. Il y a d’abord la problématique de transition. L’organisation de programmes de formation distanciels nécessite l’utilisation de solutions techniques et reposent sur des stratégies managériales différentes.
Ces changements s’effectuent progressivement, d’autant plus dans de grands groupes où l’inertie est plus importante. Philippe Dume se veut toutefois rassurant en précisant que "chez Alstom, nous sommes environ à 2/3 de programmes de formation distancielle, pour un tiers de présentiel". Les programmes présentiels sont encore nécessaires, notamment pour l’acquisition de compétences techniques ou "hard skills", qui requiert un encadrement strict et des prises en main pour être mémorisées. A l’inverse, les programmes à distance se focalisent sur les soft skills.
"Aujourd’hui, les hard skills s’automatisent de plus en plus. Les formations se focalisent donc davantage sur les soft skills, ce qui encourage encore plus l’adoption de programmes distanciels plus accessibles et pratiques pour les collaborateurs."
Le Groupe a ainsi mis en place des initiatives digitales innovantes. A l'aide d'un algorithme intelligent capable de cerner le niveau de maturité des apprenants (notamment sur des questions liées à la sécurité sur le terrain), la société est capable de personnaliser automatiquement les parcours d'apprentissage. Autre exemple : l'utilisation de la réalité virtuelle pour permettre aux collaborateurs de perfectionner leur capacité à s'exprimer en public. Ces derniers sont ainsi projetés sur une scène virtuelle, devant un public, et le cerveau est amené à ressentir le stress d'une situation réelle.
De son côté, Total met l'accent sur le développement des formations distancielles. "Nous organisons des programmes où les managers sont invités à travailler 100% en distanciel et à échanger le feedback en virtual classroom pour valider l’acquisition des méthodes endurées tout au long du parcours avec leurs vraies équipes." Particularité de cette méthode : "Lorsque l’on échoue, on le fait aux yeux de tous, les résultats sont visibles, ce n’est pas comme dans un programme en présentiel où les managers s’entraînent entre eux…" Si cette différence a peu d’impact dans certains pays du monde, ce n’est pas le cas en France. “Apprendre à apprendre différemment via des formats plus distanciels est parfois un défi culturel.” Un vrai enjeu de responsabilisation se joue alors en amont par une meilleure communication pour préparer le terrain avant la formation.

“Apprendre à apprendre”, sixième rendez-vous du HUBKLUB RH & Leadership
Après s’être penché sur “Les résistances au changement”, "L'invention du manager de demain", "L'innovation RH", etc., le cercle d’échanges HUBKLUB RH & Leadership* a de nouveau réuni sa communauté de décideurs RH (DRH, responsable de la formation…) au sein du HUB LAB. Le sujet de cette seconde matinée professionnelle : “Apprendre à apprendre”, ou comment il est parfois nécessaire de savoir "désapprendre" ses anciennes pratiques pour mettre en place le cadre idéal à l'apprentissage. Pour aborder cet enjeu dans toute sa diversité, le HUB Institute a choisi de donner la parole à quatre entreprises aux cultures différentes : SBT / Human(s) Matter avec Sandrine Bélier, consultante RH, OVH et son management horizontal représentés par Mélanie Mantel, Head of HR Development, Total et Alstom dans un échange sur la position des grands groupes respectivement représentées par Alan Lambert, Head of Global Management Programs, et Philippe Dume, Digital Transformation Director. Etait aussi présent Artus de Longuemar, dirigeant de 2 Startups. *Le HUBKLUB RH & Leadership est un cercle d’échanges voulant contribuer à remettre l’humain au coeur des projets de transformation digitale/business. Ces événements s’adressent au trio de l’accompagnement humain dans un projet de changement : RH, Digital & Management. Il est organisé par Emmanuel Vivier, co-fondateur du HUB Institute, Caroline Loisel, Directrice Conseil Be-Birds, et Adeline Jouanne, Membership Manager. Cet article vous a intéressé : ne manquez pas la prochaine session du HUBKLUB RH & Leadership