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Le churn de l'Orient-Express - La dramatique conclusion

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Le churn de l'Orient-Express - La dramatique conclusion

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Note : Ceci est la cinquième et dernière partie de notre discussion sur l’impact du churn sur les entreprises SaaS, sur les stratégies à adopter pour le contrer et surtout pour déterminer une bonne fois pour toutes #WhoOwnsTheChurn.

Après avoir interviewé les suspects et analysé les preuves, j’en suis venu à une conclusion. La responsable du churn n’est autre que… ELLE

[Poirot pointe du doigt la CEO]

Tout le monde feint d'avoir le souffle coupé et d'être choqué. Mais au fond de leurs cœurs, ils savent que le détective a raison. C’est la CEO. C’est toujours la CEO.

Levez votre main si le scénario suivant vous semble familier.

La CEO vient d’arriver. Elle est prête à rencontrer l’un de vos prospects les plus prometteurs. Elle veut être impactante, parler à son plus haut niveau. Pas de futilités comme de nouvelles fonctionnalités, non, elle souhaite partager sa vision. Son objectif ? Montrer le futur au client et comment votre entreprise, leader en la matière, lui permettra de l'atteindre. Dans cette vision, le prospect a le choix de rejoindre les rangs des clients existants, qui tirent déjà des bénéfices et prendre part à la révolution ou bien refuser et être laissé derrière. Il connaîtra alors le même sort que les sociétés qui se sont laissé dépassées comme Blockbuster, Barnes & Noble ou encore le service de taxi traditionnel.

Les CEO dit "visionnaire" sont des spécialistes en la matière Très souvent, leur passion dévorante pour leur propre vision leur permet d'hypnotiser les gens. Et c’est dans cette projection, parfois éloignée de la réalité que se cache le vrai problème du churn. Car ce ne sont pas les CEO qui vendent la solution. Du moins, pas telle qu'elle existe à l’heure actuelle où même d'ici la fin de l’année. Les CEO vendent le futur de leur plateforme/solution et l’impact pour leurs clients dans le futur. Dans ce contexte, le commercial est ravi de voir que le comité de direction du prospect accroche à la vision de votre CEO, mais en même temps, il est terrifié qu’un jour ils découvrent (tôt ou tard) l'écart important entre la réalité du produit et la vision transmise par le CEO. Si la personne du service commercial est chanceuse, cette prise de conscience n’aura lieu qu’après la signature du contrat…et deviendra donc le problème de quelqu’un d’autre. Mais ce mal être restera présent dans tous les gros deals à construire; ceux assez gros pour que votre patron soit impliqué dedans.

Hmmm… Il semblerait donc que le CEO soit responsable de tout ce merdier. Et bien, en tant qu’ancien CEO je peux vous assurer que ce sont bien eux qui sont responsables. Mais ils ont aussi le pouvoir de nettoyer et réparer cette scène de crime.

Amis détectives, jouons si vous le voulez bien. Imaginons que vous êtes CEO et que vous venez de réaliser le besoin de lutter contre le taux relativement bas de renouvellements des contrats. Pour cela, voyons ensemble 4 stratégies que j’ai pu observer et mettre moi même en application.

  • Stratégie #1 Ignorer : c’est de loin la stratégie la plus séduisante. Après tout, aucun traité international ne ratifie ce que devrait-être un taux de churn idéal. Vous pouvez lire pléthores d’articles qui vous diront qu’un taux de renouvellement de 10% est acceptable. OK, mais comme tout bon enquêteur, prenez le contexte en compte ! À quelle étape de sa croissance en est l'entreprise ? Dans quel secteur ? Clairement, les entreprises de SaaS du secteur B2C doivent s’attendre à un plus grand taux de churn que les entreprises B2B. Et même une PME B2B doit s’attendre à un taux de churn plus élevé que des sociétés établies. Pourtant, si vous demandez aux investisseurs de ces sociétés, ils vous diront que le seul taux de churn acceptable est un taux de 0. Et pour compliquer encore plus notre histoire, comme pour un crime, il n’y a pas non plus de manière universelle de calculer ce fameux taux de churn. Dans ma carrière de détective, j’ai personnellement vu plus d’une quarantaine de méthodes en action. Donc si une méthode ne marche pas, changez-en et regardez le churn sous un nouvel angle. Passez d’un roulement de deux ans à un roulement d’un an. Passez d’un roulement d’un an à un roulement calendaire et changez de nouveau si les chiffres précédents étaient meilleurs. Les chiffres liés au churn peuvent rapidement se transformer en jeu du bonneteau. A cet effet, une règle doit toujours être observée : comme pour l'individu qui est chargé de faire bouger les cartes, ne croyez jamais un CEO quand il ou elle vous parle de son taux de churn. Ils vous mentent (je le sais, j’en ai fait partie). Mais le plus dangereux c’est quand ils se mentent à eux même. C’est une chose de faire croire aux gens extérieurs à la société que tous vos clients sont contents et renouvellent leurs contrats; s’en est une autre quand la personne qui a le pouvoir de faire bouger les choses vit dans le déni. En toute transparence, même en tant que consultant, il est difficile de faire avouer aux CEO de mes clients qu’ils ont un problème de churn. Cela revient à mentir à la police quand elle vous demande votre alibi. Ou de mentir à votre docteur sur votre consommation d’alcool et de drogue. Personne ne peut vous aider si vous ne dites pas la vérité. Comme pour une addiction, reconnaître/ admettre que l’on a un problème est la première étape pour le résoudre.
  • Stratégie #2 Mettre la pression sur le service client : une dynamique intéressante quand vous lancez une entreprise SaaS (dans votre appartement, évidemment) c’est que vous devez convaincre des gens talentueux de quitter leur VRAI job pour venir travailler avec vous (mais pas avant 9h car vous êtes toujours en pyjama). Vous embauchez souvent des gens ayant une ambition importante et un talent sans limite, mais qui ont, aussi, généralement, peu d’expérience.  Au fur et à mesure que l’entreprise croît, ce n’est plus qu’une question de temps avant que le CEO ne se demande si la première phase de recrutement n’a pas été menée trop rapidement. Alors, bien sûr, avec autant de stock-options distribuées et de loyauté récoltée, vous n’allez pas virer tous vos chefs de service. Mais peu à peu, ils/elles deviennent des boucs émissaires quand il s’agit du churn. Vous décidez donc d’embaucher un nouveau responsable plus expérimenté, venant d’une entreprise SaaS plus établie. Vous vous dîtes « On a à peu près tout implanté, la nouvelle recrue viendra et mettra tout cela en place ». Cela vous prendra 6 mois pour trouver la bonne personne. Vous donnerez alors 6 mois à la nouvelle recrue pour qu’elle prenne ses marques. Boom. Vous venez de perdre une année entière à ne pas régler le problème du churn. Bien entendu, vous avez aussi sacrifié une grande partie de la motivation et de l’énergie d’un de vos premiers et plus fidèle employé, et les choses sont maintenant deux fois plus compliquées à résoudre. C’est moche.
  • Stratégie #3 Faire du succès le Héros de l’entreprise : au premier abord, cela peut paraître contre-productif. S’il y a un problème de churn, le temps est à la réparation et pas à la célébration. Ah ! enfilons notre chapeau de manager pour quelques secondes. Nous savons que les gens ont tendance à recevoir des compensations pour leur dur labeur. C’est pour cela que beaucoup des équipes de Success Manager reçoivent un bonus lorsque le client renouvelle son contrat (et c’est aussi pourquoi je milite pour que la rémunération des commerciaux soit également fortement liée aux renouvellements des contrats – et ce même s’ils n’interviennent pas dans le processus d’après-vente). Mettez en place ces deals dès le début pour maximiser votre réussite. Mais il y a bien d’autres manières que les primes pour motiver vos troupes. Regardons la vérité en face, les équipes de Success Management sont rarement composées de travailleurs chevronnés de 40 ans qui apprécient leur mutuelle et autres bénéfices. Généralement, elles sont composées de millenials. Des gens qui ont l’habitude de recevoir des éloges et qui sont très motivés quand ils ont l’impression d’accomplir quelque chose d’important et d’être mis à l’honneur. Mais quand ne met-on pas l’équipe de success manager dans la lumière ? Yep, quand il y a un problème. Quand un client ne renouvelle pas son contrat. En somme, quand le contexte est négatif. Quelle équipe de millenials resterai engagée quand les rares fois où ils se retrouvent sous les projecteurs sont dans un contexte de  climat est négatif. Que cela vous plaise ou non, les commerciaux reçoivent beaucoup de gloire quand ils signent un contrat. Ils marchent à travers le bureau tels des parrains du crime drapés de leurs légendes. Pour tous les efforts fournis par les développeurs qui ont permis cette signature, un applaudissement général est de mise. En effet, c’est cette toute nouvelle fonctionnalité étincelante sur laquelle les équipes ont travaillé pendant des mois est maintenant devenue le sujet phare dont parle votre CEO à tous les médias et à tous les clients… Quel est l’analogue du succès ? Le RENOUVELLEMENT. Le CEO a le pouvoir de transformer le renouvellement d’un banal événement  en l’un des événements les plus importants du calendrier. C’est le CEO qui infuse la culture de l’entreprise. C’est lui qui met en place les priorités de l’entreprise. Tout le monde s’inspire du CEO quand il s’agit de choses d’importantes. Trop souvent, les CEO réduisent leurs jobs à vendre et à montrer la voie. Ils ne s’inquiètent du succès que quand celui-ci est absent. Or, l’entièreté de la culture d’entreprise s’en inspire et seul le CEO peut la changer. Pas les ressources humaines. Pas le responsable des Success Manager. Le CEO doit prêcher un évangile à l’échelle de l’entreprise qui dit que RENOUVELLEMENT = PROFIT donc AUGMENTATION DE LA VALEUR DE L’ENTREPRISE et donc, CROISSANCE MAXIMALE. Sans renouvellement, c’est l’ensemble du business SaaS qui tombe à l’eau. Et toutes les personnes qui sont de près ou de loin liées à l’expérience client jouent un rôle critique dans cette affaire. Aucun service n’est donc plus impliqué que celui des Success managers et des Professional Services. La légende du super commercial et du super développeur doit désormais faire de la place à ces super membres au panthéon des héros de l’entreprise. Cela n’arrive pas par accident. Cela arrive seulement quand le CEO cherche à intégrer la lutte contre le churn dans le tissu de l’entreprise…et donc à l’encoder dans son ADN.
    Note : pourquoi cela n’arrive-t-il pas plus souvent ? Parce que dans les balbutiements de la vie d’une société SaaS, il n’y a pas de client à renouveler. Donc, naturellement, les commerciaux et les développeurs sont ceux qui initient la croissance de l’entreprise. C’est pour cela que créer une culture du renouvellement doit être intentionnel. Il n’y a, à aucun moment de la vie de l’entreprise, un flash qui apparaitra et où cette dernière se retrouvera  miraculeusement avec assez de clients pour que la lutte contre le churn prenne légitimement sa place au côté des commerciaux et des développeurs comme vecteurs de la réussite de l’entreprise. La différence c’est que le bon CEO fait bouger sa boite de manière à prendre ce virage culturel le plus tôt possible, pendant que la culture est encore malléable. Il est donc plus facile d’imprimer cette culture dans l’entreprise en 2ème année qu’au cours de la 5ème.
  • Stratégie #4 Regardez-vous : Apprenez que le churn n’est pas un problème que l’on peut déléguer. Vous, le CEO, devez mener la lutte contre ce phénomène. Voici une liste non exhaustive des choses à considérer.
  1. Ne compléxifier pas le renouvellement en ne mettant en avant  que votre vision.
  2. Faîtes des équipes des Success Manager les légendes/héros qu’ils se doivent d'être.
  3. Mettez le renouvellement au cœur des compensations octroyés par l’entreprise.
  4. Investissez dans une stratégie qui met le renouvellement au cœur du processus de vente. Comprenez que les deals signés trop rapidement et les forts taux de churn font de la croissance un mirage. Construisez des prévisions de ventes stratégiques permettant de jeter les bases saines de votre entreprise. Soutenez vos directeurs commerciaux dans cette transition: il est impossible de demander à l’équipe commerciale d’être plus stratégique si vous évaluer leur réussite sur la base du chiffre d’affaires trimestriel. C’est un discours qui n’a en effet aucun sens. Le CEO doit soutenir sa direction avec des actions concrètes. Cela signifie que l’équipe commerciale doit également être impliquée dans les KPI post-vente. Créez un système robuste qui vous permettra de discerner une banale excuse de votre commercial d’un réel besoin de temps pour conclure un deal.
  5. Mettez en place des réunions hebdomadaires et assistez-y. Vous pouvez toujours deviner les priorités d’un CEO à la manière dont celui-ci occupe son temps. Si il se lève lors d’une réunion trimestrielle et parle de l’importance du renouvellement des contrats, mais que par la suite, il n’assiste jamais aux réunions internes dédiées à l’analyse sur de la santé des différents contrats, la société commencera souvent (et à juste titre) à penser que ce discours n’est que de la foutaise. Construire une culture autour du renouvellement est un processus, pas une série de projets. Avoir un CEO qui ne s’implique que  lorsqu’il y a des problèmes n’est pas une stratégie viable pour lutter contre le churn. Quand je travaillais au sein de Sprinklr, j’appréciais tout particulièrement le fait que la première réunion de la semaine était toujours menée par le CEO. Le but n’était pas de parler de niveau des ventes, même si les directeurs commerciaux ainsi qu’une bonne partie de l’équipe commerciale étaient présents. L’objectif n’était pas non plus de parler des mises à jour ou des finances, même si le CFO était lui aussi, toujours présent. Non, la première réunion de la semaine se tournait exclusivement sur nos clients actuels. La règle était simple : si le renouvellement du contrat avait lieu la semaine suivante, le client re-signerait-il ou se résignerait-il ? Si s’agissait de la deuxième option, nous devions parler de ce client. Première chose. Et nous continuions de parler jusqu’à ce que tous ceux qui étaient présents à la réunion ait compris le plan commun et actionnable pour inverser la tendance. La semaine suivante, l’évolution de ce plan était le premier élément évoqué à l’agenda. Le système n’était pas parfait, mais il envoyait un message fort à toute l’entreprise : le renouvellement est notre priorité, il ne doit pas être laissé au second plan. Sans surprise, l’une des statistiques dont le CEO était le plus fier était le très haut taux de renouvellement et il mentionnait généralement, dans la même phrase, le taux de croissance incroyable que possédait l’entreprise. Vous voulez créer une licorne spécialisée dans le SaaS ? Je suis persuadé qu’il n’y a aucun autre moyen de le faire.

Maintenant que nous avons interrogé tous les témoins, rassemblé toutes les preuves; quelle est donc votre conclusion ? Êtes-vous d’accord avec l’épilogue dramatique énoncé plus tôt par notre Poirot national ? Pour ma part, si je ne pouvais accuser qu’une seule personne, mon choix se porterait toujours sur le CEO. Bien sûr, nous aurions pu accuser le CEO avant même de mener notre enquête. Mais c’est véritablement la faute du CEO. Littéralement rien n’arrive dans une entreprise  (de bon ou de mauvais) qui ne soit pas directement le fruit d’une action ou décision du CEO ou de personnes que le CEO a engagé.

Mais si nous pouvions  accuser plus d’une personne, alors il nous faudrait accuser nos 5 suspects. Commercial, service aux entreprises, Success Manager, Product Manager et CEO. Tous jouent un rôle critique dans le processus visant à s’assurer que le client soit satisfait de l’utilisation de leur utilisation SaaS et que celui ci renouvelle  son contrat année après année. Pour finir, ma suggestion serait de les pointer collectivement du doigt et de déclarer #YouOwnTheChurn !

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