Vers la naissance de la Supply [Block]Chain ?
Fret maritime : accélérer le transport de 90% des marchandises
La blockchain fera économiser plusieurs milliards de dollars au secteur du transport maritime
- Arvind Krishna, directeur de la recherche d’IBM, lors du Consensus 2017 (événement dédié au potentiel de la blockchain à New York)
Pourquoi aborder le sujet sous l’angle du transport maritime ? Tout simplement parce qu’il s’agit encore du secteur responsable du transport de 90% des marchandises échangées à l’international. Qu’ils soient petits commerçants ou grands distributeurs, si les produits écoulés proviennent de l’étranger, il y a fort à parier qu’ils ont transité par voie maritime. L’optimisation de ce canal de transport affectant de ce fait potentiellement tous les retailers.
La blockchain promet d'harmoniser les méthodes de traçage entre tous les acteurs de la chaîne ce qui s'avère un véritable enjeu aujourd’hui lorsque l'on sait qu'une expédition internationale peut nécessiter d’être inspectée par plus de 30 organismes différents ayant leurs propres documentations papier (liés aux différents processus administratifs en vigueur). Or la perte d’un seul de ces documents en cours d’acheminement peut impliquer de considérables retards de livraisons et des pertes économiques importantes d’un bout à l’autre de la supply chain.
La digitalisation de ce processus via la blockchain permettrait, selon Arvind Krishna, de « faire économiser jusqu’à 20% du coût du transport maritime international » et en répercuter les bénéfices jusqu’aux retailers.
Dans le domaine, l’armateur danois Maersk fait figure de pionnier avec le projet TradeLens. Cette « plateforme ouverte », réalisée en partenariat avec IBM, associe une centaine d’organisations à travers le monde (des organismes de douanes aux sociétés privées de transport) autour de la blockchain (nommée Hyperledger Fabric).
Retail : gestion optimisée des stocks
Cette gestion optimisée du fret peut inspirer de la même manière les processus de suivi des stocks pour tous les commerçants.
De l’étape de la commande aux industriels, à la livraison en magasin (ou au client dans le cas de e-commerçants) passant par le stockage en entrepôt, toutes ces étapes peuvent être suivies dans la blockchain en intégrant un nombre toujours croissant de paramètres observés (comme la température de conservation, le nombre d’unités en circulation, etc.) via notamment en l’essor parallèle de l’Internet des Objets (IoT).
Puisque toutes les transactions (et les paramètres d’observation) sont enregistrées dans la blockchain, l’ensemble des acteurs peut avoir un aperçu détaillé de l’état du produit en temps réel, y compris le client.
Agroalimentaire : manger en toute transparence
En matière de confiance marque / consommateur, l’industrie de l’agroalimentaire fait depuis quelques années figure de mauvais élève en additionnant les scandales. Œufs contaminés au Fipronil en 2016, ou encore scandale de la viande chevaline en 2013, l’image publique des marques productrices est la première à en pâtir.
Pourtant, à y regarder de plus près, ces défaillances sont régulièrement le fait d’autres acteurs de la supply chain de l’agroalimentaire (des nombreux préparateurs aux distributeurs passant par les convoyeurs) et témoignent du manque de transparence de cette dernière.
En reprenant les avantages liés à la traçabilité et l’incorruptibilité des registres de la blockchain, les acteurs de ce secteur pourraient à terme mettre en place des processus logistiques contrôlés en temps réel. Chaque étape de la transformation des aliments (de l’agriculteur à l’achat en rayon) serait méticuleusement enregistrée (manuellement via les équipements à disposition du personnel sur place, ou automatiquement via l'IoT) afin de garantir les contrôles qualité et sanitaires et d'identifier rapidement toute anomalie.
En 2017, Carrefour a annoncé le lancement de projets R&D liés à l’application de la blockchain pour « renforcer la transparence de ses filières animales ». De son côté, Walmart, multinationale américaine de la grande distribution vante cette technologie comme « le Graal de la Supply Chain ».
Luxueuse authenticité
Hantise de toutes les marques du luxe : la contrefaçon. Celle-ci pourrait coûter près de 3 600 milliards d’euros et mettre en péril 5,4 millions d’emplois entre 2017 et 2022 selon la Chambre de commerce internationale. Si le certificat d’authenticité a toujours été l’arme principale pour lutter contre ce marché parallèle (notamment dans l’industrie diamantaire), il n’est pas rare que ce même document soit contrefait ou perdu en passant de main en main dans la supply chain.
Désormais, des sociétés proposent sur une forme de blockchain où seules des parties prenantes autorisées peuvent modifier la documentation accompagnant les produits du luxe (on parle de « Permissioned Blockchains »).
On peut citer à titre d’exemples : everledger, société (fondée par Leanne Kemp, Board Advisor Blockchain pour IBM) qui entend digitaliser l’ensemble des documents liés à la certification des pierres et bijoux précieux, mais aussi développer les fonctionnalités de smart contracts ; automatisant de ce fait de nombreuses transactions entre acteurs de la supply chain selon des conditions programmées et excluant le paramètre humain potentiellement corruptible.
En France, des anciens du groupe LVMH, Kering, Richemont ou encore Vestiaire Collective ont fondé Arianee. Cette fois les principes d’authenticité et de contrôle des échanges sont appliqués à de nombreux produits du prêt-à-porter de luxe et prennent la forme d’applications mobiles mettant en relation directe les clients et marques. Ces dernières étant en mesure de certifier des produits, mais aussi des revendeurs afin de garantir à leur clientèle l’acquisition de biens authentiques.
"Ce n'est pas la fin, mais un moyen"
Pour Emmanuel Vivier, fondateur et analyste principal du HUB Institute : « la technologie blockchain représente un vrai potentiel de possibilités en termes de performance, traçabilité... Mais le secteur est encore en pleine effervescence et cette technologie est loin d'être encore stabilisée. En dehors des DSI dans le domaine de la banque/finance, du transport, achat d'espace, de la santé... la blockchain ne devrait pas forcément être une priorité pour un CMO ou un CDO.
En effet dans les 5 ans les solutions à base de blockchain développées par les startups vont maturer et seules les meilleures seront rachetées par les grands éditeurs comme Adobe, Apple, Amazon, Google, IBM, Microsoft, Salesforce, SAP ou Bosch, GE, Schneider Electric. Ce sont eux qui mettront alors à disposition du marché la technologie blockchain au sein des applications métiers CRM, Facturation, logistique...
Au final un CMO ou un CDO n'a pas vraiment à savoir si son logiciel CRM fonctionne avec PHP, Java, ou la blockchain. Ce qui est important c'est de connaître les fonctionnalités et objectifs business que telle ou telle solution permet d'atteindre. Donc en dehors de développer sa culture générale, je ne pense pas que ces directions métiers (en dehors de la DSI) devraient investir du temps pour se renseigner sur le langage ou la technologie à la mode...
Elles feraient mieux de se concentrer sur leurs urgences : comprendre et répondre aux besoins clients, faire évoluer leurs business models et surtout simplifier et accélérer leurs modes de fonctionnement pour gagner en agilité. Quel que soit le potentiel de la blockchain, elle ne sera pas la baguette magique qui résoudra d'un seul coup les nombreux défis des organisations en transformation.
Une technologie n'évitera pas la nécessité d'avoir une vision à jour, une stratégie claire, une capacité rapide à innover, une capacité à faire évoluer ses managers et collaborateurs... »
Blockchain : les 6 avantages clé
- En cas de défaillance dans la supply chain, il devient beaucoup plus aisé d’en localiser la source et de la corriger ;
- Les enseignes possédant de nombreux magasins ou stocks voient leur capacité de gestion gagner considérablement en agilité et de réduire les coûts opérationnels ;
- La traçabilité des produits s'améliore considérablement tout en gagnant en précision ;
- De nouveaux services de suivi précis peuvent être proposés au consommateur afin de renforcer le pacte de confiance avec les marques ;
- Renforcer les procédés de labellisation ;
- Les procédés sécurisés des "Permissioned Blockchains" renforcent considérablement la lutte face à la contrefaçon.
Avec la participation appréciée de Marion Letorey