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Traçabilité et reconnaissance visuelle: l'IA s'invite aussi dans la poubelle, selon Jean Hornain (Citeo) | HUB Institute - Digital Think Tank

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Traçabilité et reconnaissance visuelle: l'IA s'invite aussi dans la poubelle, selon Jean Hornain (Citeo) | HUB Institute - Digital Think Tank

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La gestion de la fin de vie des emballages et papiers liés aux produits de grande consommation est le champ d'action de Citeo. Son directeur général Jean Hornain explique comment la digitalisation peut constituer à la fois un problème et une solution pour parvenir au 100% recyclé. Poubelle connectée et emballages traçables vont faire leur apparition dans les années à venir, mais le plus grand défi est celui de modifier durablement les comportements.

Le parcours de Jean Hornain est pour le moins éclectique : successivement vice-champion d'Europe de Volley ball, trader à Londres, son parcours le mène à la vente de programmes d'animation (C&D - Jean Chalopin), puis aux médias. C'est au sein du Groupe Amaury qu'il effectue un parcours de manager résolument intra-entrepreneur, d'abord à la direction du département TV d'ASO en 1992, puis aux manettes du lancement de L'Equipe TV en 1998, avant d'être nommé en 2003 Directeur Général Adjoint de L'Equipe, et enfin PDG du Parisien-Aujourd'hui en France de 2005 à 2016. C'est à cette date qu'il rejoint Eco-Emballages, pour y mener le rapprochement avec Ecofolio et le changement de dénomination de la nouvelle structure : Citeo.

Jean Hornain, directeur général de Citeo

Quelle est la vocation et le périmètre d'action de Citeo ?

Citeo est une entreprise née il y a 25 ans sous le nom d’Eco-emballages. Elle a été créée par les entreprises qui ont la responsabilité de la fin de vie de l'emballage dans lequel elles conditionnent leurs produits. Parmi nos actionnaires figurent donc Danone, Nestlé mais aussi la distribution comme Carrefour ou Auchan.

Notre mission est de réduire l'impact environnemental des emballages et des papiers en France. A chaque fois qu’un industriel ou un distributeur vend un produit, il paie à Citeo une contribution, laquelle va permettre de faire :

  • de l'écoconception (ou éco-design) pour essayer d'améliorer la circularité ou le caractère recyclable de l'emballage ou du papier, 
  • de la sensibilisation auprès du grand public, 
  • de passer des contrats avec les collectivités locales pour y installer des poubelles réservées au tri, chez les particuliers et dans la rue. 

Cette matière est collectée et triée dans 200 centres de tri, à la suite de quoi on vérifie qu'elle rentre dans une boucle d'économie circulaire. En France, chaque année, environ 5 millions de tonnes d'emballages sont mises sur le marché, et 3.4 millions sont effectivement recyclées, soit un taux de recyclage de 68% pour l’emballage, et de 57% pour le papier. Notre objectif, c'est d'arriver à 100% de solutions pour ces emballages et papiers.  

Vous avez réalisé cet été l’opération « Vous triez, nous recyclons » en association avec les grandes marques du secteur boissons. Comment les avez-vous convaincues d’associer leur image à la campagne ? 

Les marques jouent un rôle majeur puisque finalement ce sont elles qui sont en contact quotidien avec les consommateurs. La recyclabilité est un enjeu majeur pour elles :

57% des bouteilles et flacons en plastique sont recyclés en France (ce taux est plus élevé à la campagne), alors qu'elles sont entièrement recyclables. Nous disons aux Français : si vous nous confiez cette bouteille, nous nous engageons à la recycler à 100%. Et l’effet auprès du public a été fantastique : sept Français sur dix déclarent que ça leur donnait envie de trier plus. Ils ont également apprécié que les marques s'impliquent.

 

Comment travaillez-vous avec les partenaires pour améliorer le recyclage du packaging ?

L'écoconception a plusieurs dimensions : la première c'est l'allègement ou la réduction d'emballage : en 15 ans, une bouteille plastique a perdu 40 % de son poids, et une bouteille de verre à peu près 15 %. La deuxième, c'est la recyclabilité c'est à dire comment faire entrer un emballage dans une chaîne de d'économie circulaire : c'est un travail qui porte à la fois sur le matériau lui-même et sur les technologies de recyclage. Beaucoup de startups au niveau international proposent des innovations en particulier sur les différentes résines de plastique, pour trouver 100 % de solutions.

 

Ne pensez-vous pas que la solution est plutôt dans la suppression totale du plastique comme le proposent certains ? 

Le sujet est moins l'économie circulaire que la pollution que constitue le plastique lorsqu’il est jeté dans la nature. Le geste de tri est le 1er rempart contre la pollution des mers et des océans.

 

Parlons des comportements : quelles sont les différences que vous observez et où sont vos priorités en termes de sensibilisation ?

Aujourd’hui 88% des Français déclarent trier leurs déchets, mais un sur deux seulement déclare le faire de manière systématique. Et au-delà du déclaratif, il y a des disparités de comportement. Les plus de 35 ans qui habitent une maison individuelle sont d’excellents trieurs. Notre priorité aujourd’hui, c'est le jeune urbain, entre 15 et 20 ans : la conscience environnementale est là, mais c'est le passage à l'acte qui est compliqué. On s'efforce de toucher cette cible à travers des leviers essentiellement digitaux (Snapchat, Instagram, Messenger) pour les inciter à adopter un comportement de tri quotidien.

On s’adresse à eux sous l’angle de l’incitation positive, de l'humour et de la dérision, et sur les médias sociaux :

Mais on fait aussi des campagnes TV, car au-delà des cibles particulières, il faut sans cesse rappeler que le geste de tri, qui est finalement un petit geste au quotidien, est un très grand geste pour la planète.

Enfin, on a un programme de kits pédagogiques en école primaire, qui touche 1,5 millions de 6-12 ans chaque année. La conscience écologique démarre à cet âge-là, mais en plus une fois arrivé à la maison, l’enfant interpelle les parents. Cela fait partie des leviers majeurs qui vont nous permettre dans le futur d'avoir une conscience environnementale totale dans le pays.

 

On parle souvent de l’accélération du temps. Comment l’utiliser pour faire changer les comportements plus rapidement ? 

Il est vrai que cette notion de temps est en train de changer : le temps qui est devant nous s’est raccourci,  on est dans une forme d'urgence qui se confronte à un temps industriel (mettre à niveau les centres de tri, les chaînes de fabrication), à un temps local (prendre des décisions, passer des marchés)… le raccourcissement du temps ne peut venir que des citoyens et des consommateurs : 

 

La digitalisation du commerce et plus largement de l’économie modifie-t-elle la donne en matière de gestion des déchets ?

Le développement de la vente à distance a considérablement augmenté la production de carton. A l’inverse il y a de moins en moins d'utilisation papier à des fins publicitaires, donc on retrouve moins de papier dans les poubelles de tri. 

Mais l'impact du digital c'est également pour nous le formidable levier de mobilisation pour peser sur les comportements : comment peut-on arriver à toucher les 1 % de français qui vont aller convaincre 9%, lesquels iront évangéliser les 100% ? 

L’IA enfin nous permet à court terme d’améliorer la qualité du recyclage, et à plus long terme d’avoir une traçabilité totale de l'emballage, depuis l'achat par monsieur untel jusqu'à la boucle de recyclage.

 

Justement, vous avez engagé la digitalisation de la poubelle. Pour quelle raison et comment ?

La digitalisation, c’est déjà «pucer » nos poubelles pour connaître le nombre de fois où vous sortez votre poubelle, mais également mesurer son taux de remplissage, et puis un jour sans doute un traceur pour reconnaître l'emballage concerné, et faire le lien entre l’acte d’achat et le geste de tri. Et qui sait, pourquoi pas un jour, à titre d'incitation, une Loterie Nationale qui récompenserait le trieur d’un emballage tiré au sort au centre de tri ?

Plusieurs technologies peuvent y concourir : tout d’abord l'IA dans les centres de tri : aujourd'hui on a du tri balistique, du tri magnétique, du tri optique pour  reconnaître les différents matériaux. Dans un futur proche, l'intelligence artificielle permettra la reconnaissance des formes. Et puis après vous avez tout ce qu'on appelle les watermarks, un code intégré dans l'emballage lui-même comportant les données sur le matériau, sa recyclabilité, etc. La technologie est quasiment opérationnelle, elle se diffusera au fur et à mesure du renouvellement du parc de poubelles. 

 

Est-ce la porte ouverte à une forme de « police des déchets » ?

Elle existe dans certains pays, comme en Belgique,  où vous pouvez avoir des amendes si votre poubelle de tri contient des éléments non-triables. Il ne faut pas l'exclure parce que cela fait aussi partie finalement de la régulation. 

 

Les déchets traversent les océans. Avez-vous mis en place une coopération internationale en matière de tri ?

Notre vocation, c’est la France. Notre apport, c’est aujourd’hui 1.6 million de tonnes de CO2 économisées dans l’atmosphère. Nous disposons d’un réseau d’échange bien structuré au niveau européen. Sur le plan international, j’aimerais à titre personnel faire avancer la coopération avec l’Afrique, aider à construire une stratégie de waste management

Il y a 8 millions de tonnes de plastique déversées chaque année dans les mers et les océans. L’économie circulaire ne pourra pas résoudre le problème des déchets sauvages et de la pollution. C'est là une question d'éducation. C'est dans ce sens que nous avons organisé cet été une tournée de mobilisation et de pédagogie dans les ports de Méditerranée avec le bateau de l'association Septième Continent. Le message était : le geste de tri c'est le premier rempart à la pollution des mers et des océans. 

 

En matière d’innovation comment travaillez-vous avec les industriels et les startups pour trouver de nouvelles solutions ?

Pour nous, l'innovation s’exerce à 4 niveaux : l'écoconception, les technologies de tri, les technologies de recyclage pour arriver à recréer des boucles matière, et enfin en matière comportementale vis-à-vis du citoyen. 

A chacun de ces objectifs on alloue des budgets R&D, et on lance des appels à projets concrets, centrés par exemple sur un matériau précis dont il faut améliorer la recyclabilité. Avec « Circular Challenge », un concours de startups qui reçoit 200 candidatures chaque année, on fait également de l'Open innovation. 

Par ailleurs, Citeo Prospective est un programme doté d’un directeur scientifique qui est chargé non pas de demain mais d'après-demain, et repère les techniques les plus innovantes dans le monde entier.

Enfin on essaie d'être un mobilisateur de l'intelligence collective avec les marques et les distributeurs.  Par exemple, on engage actuellement une expérience avec une jeune entreprise, Les Alchimistes, sur le compostage industriel des bioplastiques. On essaie de mener des projets collectivement.

 

Quel est votre prochain objectif ? Etes-vous optimiste sur notre capacité collective à résoudre les enjeux du traitement des déchets ?

Notre objectif c’est le 100% solution : que dès 2025, il n'y ait plus en France aucun emballage sans solution en fin de vie. Nous sommes des "optimistes agissants" c'est à dire que nous croyons que la technologie va nous aider à progresser et parvenir à l'objectif. Pour cela, rendez vous sur www.consignesdetri.fr !

 

                       

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