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COVID-19 : Comment la crise va bouleverser les supply chains

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COVID-19 : Comment la crise va bouleverser les supply chains

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Confinement total de la population, fermeture de certains magasins, changement brutal de sa production pour délivrer des produits qui n’ont parfois rien à voir avec son cœur de métier… La lutte contre le COVID-19 impacte les supply chain et oblige les entreprises à se réinventer. Une situation inédite dont on peut tirer de nombreux enseignements pour la suite, explique Manuel Davy, fondateur et CEO de Vekia, solution SaaS spécialisée dans l'optimisation des stocks et l’automatisation de la supply chain. Interview.

HUB Institute : A l'heure de la pandémie Covid-19, dans quel état sont les supply chain ?

Photo Manuel Davy

Manuel Davy : Les supply chain sont très secouées en ce moment. J’en catégorise trois :

  • Les supply chains d’urgence construites dans les dernières semaines, notamment pour le matériel médical.
     
  • Les supply chain qui ont une continuité d’activité "normale" comme dans la grande consommation, ou les services essentiels (électricité, gaz, télécoms, etc…) qui font que la société peut continuer. On dit "normal" car elles doivent fonctionner comme d’habitude, mais cela reste pourtant très difficile car les fournisseurs sont souvent en rupture de stock, etc…
     
  • Celles qui sont totalement à l’arrêt, dans certains magasins non-alimentaire par exemple, et là c’est totalement inédit ! La question est de savoir comment redémarrer son activité, comment faire repartir une machine aussi complexe.

HUB Institute : L'économie de la logistique a-t-elle déjà connu pareille crise ?
MD : La crise actuelle est un mélange de ce que l’on retrouve habituellement dans les crises économiques, avec une baisse économique instantanée, et dans les crises environnementale ou sanitaire, comme on l’a connu dans le passé avec l’éruption du volcan islandais, qui avait bouleversé le trafic aérien, et le SRAS. Le COVID-19 mixe les deux, avec une ampleur inédite à grande échelle.

HUB Institute : Certaines compagnies aériennes ont basculé leur activité de transport de personnes en activité de fret à 100%. Cette crise va-t-elle reconfigurer certains secteurs, comme l’aérien ? 
MD : Je ne crois pas vraiment que cette initiative fera sortir les compagnies aériennes gagnantes. Le fret aérien est beaucoup trop cher par rapport au fret maritime pour être rentable à long terme. En revanche, cela montre que ce contexte particulier stimule l’imagination et la création de nouvelles solutions. On voit le monde d’une manière différente, on s’autorise à sortir du cadre habituel car ce cadre est brisé en période de crise.

HUB Institute : Quels sont les enjeux actuels dans les supply chain ?
MD : Le premier concerne la gestion de l’incertitude. Actuellement, ce qui est compliqué, c’est qu’à l’incertitude normale du quotidien s’ajoute une incertitude exceptionnelle. Comment gérer cette incertitude exceptionnelle et ses effets sur le long terme ? Les entreprises les mieux préparées sont celles qui seront capables d’anticiper, de réfléchir des scénarios de sortie de crise. Cela suppose de pouvoir y consacrer du temps, donc d’avoir déjà réglé la question de la gestion de l’incertitude normale.

C’est ce que nous aidons les entreprises à faire avec nos solutions automatisées. Pour les gens qui travaillent avec nous, l’incertitude normale est sous contrôle : ils peuvent se dégager du temps pour se concentrer sur des stratégies à long terme, des scénarios de sortie de crise, etc… Cette automatisation permet de sécuriser le travail du quotidien pour mieux préparer la période de grande inconnue dans laquelle nous entrons.

Le deuxième enjeu concerne la capacité de robustesse et de résilience. Il y aura un avant et un après la crise. Il est fort probable que le fonctionnement des systèmes d’approvisionnement d’après-crise sera différent de l’avant-crise. Les supply chains vont devoir se transformer pour s’y adapter. Comment avoir un fonctionnement satisfaisant alors qu’on a perdu sa trajectoire habituelle ? Il faut se recaler très vite et changer ses habitudes. A la fin du confinement, tout le monde va ressortir avec de nouvelles habitudes, il faudra en tenir compte. La résilience est cette capacité à s’adapter très vite à cette situation nouvelle quand l’économie va repartir.

HUB Institute : Y-a-t-il des secteurs qui parviennent mieux à faire résister leurs supply chains aux disruptions du COVID-19 ? Pourquoi ?
MD : Ceux qui ont fait des investissements en amont pour piloter leur supply chain sur la base de la data et l’automatiser sont dans une bien meilleure position aujourd’hui. C’est là que se fait le clivage à l’heure actuelle dans la supply chain : c’est la dépendance aux tâches opérationnelles basiques. On a des clients qui sont à 99% d’automatisation en tâches opérationnelles, approvisionnement par la machine, etc…

Premièrement, cela sécurise la supply chain en cas d’impossibilité de l’humain de venir travailler. Deuxièmement, cela libère du temps pour les décisionnaires en charge de définir de bonnes stratégies de crise. Enfin, le déploiement et l’application des nouvelles stratégies est beaucoup plus rapide voir instantané.

HUB Institute : Quelles leçons pouvons-nous tirer de la crise actuelle ?
MD : Evaluer la fragilité de ses process. Certains process sont encore trop fragiles car trop dépendantes de l’humain, notamment dans l’énergie. Or, ceux qui sont trop dépendant de l’homme dans les tâches opérationnelles basiques sont en très mauvaises postures.

Faire avec moins de cash. Les entreprises vont devoir anticiper la récession qui s’annonce, avec moins de cash disponible sur le marché. Il va falloir apprendre à fonctionner pendant de nombreux mois, voire plusieurs années, avec des supply chains beaucoup plus efficaces et moins consommatrices de cash.

C’est l’occasion d’organiser sa supply chain pour maximiser la disponibilité de son stock. Comment optimiser l’utilisation du stock que j’ai déjà ? Comment faire en sorte qu’il soit au bon moment au bon endroit ? Et ça c’est une question de positionnement géographique et de répartition sur le territoire. Encore une fois les supply chains déjà agiles partiront gagnantes, là où celles qui avaient l’habitude de masquer leurs faiblesses par plus de stock vont avoir des problèmes.

Prévenir les ruptures de stock. Ceux qui s’en sortiront sont ceux qui auront su fonctionner avec le moins de ruptures possibles, pour générer le moins de frustration client possible. Les clients se tourneront vers ceux qui démontrent la meilleure disponibilité. Il y a donc une vraie course contre la montre qui se joue actuellement.

HUB Institute : Qu’est-ce qu’une crise comme celle due au COVID-19 pourrait changer pour les supply chains à l’avenir ? Quelle pourrait être la nouvelle norme ?
MD : Je suis convaincu que le cadre légal, notamment dans le cadre des supply chains médicales etc… va imposer des formes de relocalisation dans la fabrication de produits sensibles comme les médicaments. Cela entraînera d’autres relocalisations de produits sensibles. Cela va considérablement changer les mentalités et les stratégies en vigueur.

La relocalisation semble une solution pour se protéger de futures disruptions. La vitesse avec laquelle cette relocalisation aura lieu dépendra sûrement beaucoup de la durée de la crise. Dans les supermarchés, on a de facto une relocalisation en cours, avec un approvisionnement de produits frais produits en France. On est également en train de relocaliser la production de masques chirurgicaux. Cela montre que c’est possible.

HUB Institute : Que peuvent apporter des acteurs comme Vekia sur le sujet ?
MD : On ne vend pas seulement un logiciel, on vend un service d’IA en mode SaaS. Cela sous-entend qu’on travaille avec nos clients pour trouver ensemble la meilleure stratégie de sortie de crise, pour gérer ensemble les disruptions qui peuvent se produire sur la supply chain… On réfléchit aussi à comment contribuer à la lutte contre l’épidémie de COVID-19, en aidant les autorités à bien positionner leurs stocks (notamment dans les hôpitaux). On entend jouer notre rôle dans la société.

Enfin, on veut conseiller sur la manière dont on va sortir de cette crise et ce qu’il faudrait penser à faire après. Notre position, c’est que l’IA sera salvatrice parce qu’elle va permettre à la supply chain de fonctionner avec moins de cash et aux personnes de se décharger de certaines tâches pour se concentrer sur les tâches à plus-value.Nous vivons une période stressante, mais qui est aussi extrêmement intéressante parce qu’elle va permettre de trouver de nouvelles solutions inédites.

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