OCDE, C3D : inscrire les enjeux socio-environnementaux dans la durée

Comment prendre acte des enseignements de la pandémie de COVID-19 en ce qui concerne les enjeux environnementaux auxquels notre économie est confrontée ? Romina Boarini, Directrice du WISE Centre (OCDE) et Fabrice Bonnifet, Président du Collège des Directeurs du Développement Durable (C3D), répondent aux questions de Vincent Ducrey (HUB Institute), à l’occasion du Sustainable Leaders Forum 2021.
Créé pendant l’été 2020 comme réponse de l'OCDE à la crise sanitaire, le WISE Centre a pour mission de mettre en place une économie inclusive et durable. Cela passe par 3 piliers, que sont la mesure de l’impact de la crise, l’aide aux décideurs des secteurs public et privé, et la création de coalitions pour faire face aux défis d’une transition qui se veut durable.
En pratique, le WISE Centre a accompagné plusieurs acteurs publics et privés ces derniers mois, soit 2 coalitions d’entreprises (Business for Inclusive Growth et Inclusive Capitalism). Les travaux menés sont dans la continuité des actions déjà faites par de nombreuses entreprises pour une économie inclusive et durable. La crise a bouleversé l’économie, avec des effets sur l’état d’esprit des citoyens. Dans les pays de l’OCDE, des écarts se creusent encore plus entre catégories de population (les minorités ethniques ont dû faire face à des privations plus importantes), sans oublier les conséquences sur la santé mentale. Les autorités publiques de l’OCDE se sont mobilisées depuis octobre dernier, avec l’ appui de multinationales qui agissent pour la croissance inclusive : celles-ci ont un impact non négligeable sur l’emploi à l’échelle mondiale.
Inscrire ces actions dans la durée, c’est se demander comment créer de nouveaux modèles d’entreprise liés au social, à l’environnement et à la bonne gouvernance. Il va falloir d’abord mesurer les impacts de chaque action : miser sur la bonne gouvernance serait d’autant plus important que, selon Romina Boarin, "cela est très bon pour [la] profitabilité".
Pour la suite, WISE a lancé une feuille de route pour rassembler les entreprises engagées et l’OCDE, autour de 3 axes :
- Définir une position commune autour des ces axes pour la transition durable ;
- cartographier, comprendre les méthodologies et prendre acte de ce qui marche ;
- changer les modes de production et de consommation avec matrices d’impact.
Concernant l’impact des enjeux socio-économiques sur les entreprises, Fabrice Bonnifet, Président du C3D (Collège des Directeurs du Développement Durable), se veut plus pragmatique et réaliste. Agir pour la transition "verte" n’est pas à ce jour synonyme de profit : les entreprises les plus profitables restent les plus polluantes. Il va falloir accepter de reconfigurer nos modèles d’affaires pour produire tout en réduisant nos émissions. Il est probable que les rendements diffèrent dans les prochaines années par rapport aux précédentes : les solutions doivent donc être envisagées au moins à 10 ans.
Un manifeste engagé pour faire prendre en compte les enjeux des matières premières et de l’énergie, et leur impact sur le modèle d’affaires. Deux questions se posent alors : comment intégrer ces données scientifiques dans l’entreprise pour créer un modèle vertueux ? Comment produire de la valeur sans polluer ? Tout cela nécessitera de revoir notre système de valeurs dans son ensemble, en mettant en avant un nouveau moteur de réussite, qui tourne autour du capital naturel et du capital humain. Très peu d'entreprises utilisent ce type d’outil.
Sur le sujet de la décroissance, l’expert estime qu’il faut surtout faire décroître les flux physiques carbonés, ou gaz à effet de serre (GES). Les réduire signifie-t-il réduire le PIB ? Rien ne démontre, à court terme, qu’en maintenant notre modèle tel quel ce sera possible. Il importe de permettre à ceux qui n’ont pas atteint le bien-être matériel d’y arriver, et si cela ne marche pas sans décroissance, nous pourrions ne plus avoir le choix. Pour Romina Boarini, il y a une envie d’agir, mais les gens sont perdus : nos pratiques sont-elles "normales" ? Quelles sont les meilleures solutions ? Il y a un déficit d’information, et l’attente reste forte.
La bonne nouvelle, c’est que des solutions existent ; la mauvaise, c’est le temps qu’il nous reste.
- Fabrice Bonnifet, Directeur Développement Durable (Bouygues) et Président (C3D)
La porte est donc ouverte à l’économie de l’usage, pour rompre avec la logique de propriété. Dans le secteur clé de la logistique et des transports, les évolutions restent marginales : 35 % des professionnels ne sont pas en mesure d’évaluer l’empreinte carbone de leur activité. Au sein même des entreprises, les actions comme l’éco-conception de produits, l’échange d’informations entre équipes et l’alignement entre RSE et équipes de production (plus important que le lien avec le marketing, si l’on veut sortir du greenwashing), peuvent pourtant être menées sans difficulté.
Pour conclure, ces grandes étapes de la transition durable nécessitent encore de nombreux efforts pour être à la hauteur du défi environnemental. Fabrice Bonnifet rappelle, comme la maxime, que "ce que tu dis parle plus fort que ce que tu fais" : l’heure est, plus que jamais, au passage à l’action.
Retrouvez dès à présent l’ensemble des interventions du Sustainable Leaders Forum !