Sustainable Maturity Survey : quelle maturité pour les entreprises ?

Au cours des mois précédant le Sustainable Leaders Forum, les équipes du HUB Sustainable sont allées à la rencontre de leur communauté de décideurs pour évaluer leur avancée des entreprises vers un modèle économique durable. C’est aux côtés de Romina Boarini et Fabrice Bonnifet, respectivement présidents du Centre Wise de l’OCDE et du C3D, les deux organismes co-créateurs de ce Sustainable Maturity Survey, que Vincent Ducrey, président du HUB Institute, est revenu sur les résultats.
Le Maturity Survey, qui a récolté au total les retours de 52 grands groupes, s’articule autour de 8 grands enjeux, tous établis dans la matrice de la transition durable conçue en début d’année par le HUB Institute.
Direction et management
- 76% considèrent que la direction pilote de manière concrète les enjeux RSE pour l’ensemble de l’organisation
- 82% prennent en compte leur ODD pour évaluer leur stratégie et direction
- 50% pensent pleinement avoir établi des sources de recrutement afin d’engager et de permettre des talents plus diversifiés
- 80% ont un programme de sensibilisation et formations liées à l’inclusivité ou qui sont complètement intégrés
- 20% n’ont aucun programme de formation des dirigeants aux enjeux sustainable
Romina Boarini a d’emblée qualifié cette première salve de résultats d’encourageants, avec néanmoins une certaine réserve. Pour la présidente du Centre Wise, il est probable que ce soit une majorité de bons élèves qui se sera soumise à ce sondage pour faire part de ses progrès. Toutefois, sans que l’échantillon des répondants soit garanti d’être le plus représentatif possible de la progression actuelle des entreprises, les données des groupes s’étant manifestés sont tout aussi nécessaires. En effet, ce sont elles qui ouvrent le pas et montrent l’exemple à suivre.
Mais bien sûr quand on voit les grands groupes répondre avec autant de présence à cette question - et je pense que c’est eux les leaders du marché - c’est évidemment très important parce que ça veut dire que l’industrie va s’organiser autour d’un nouveau modèle d’affaire.
- Romina Boarini, Président du Centre Wise (OCDE)
"Je pense que la prise de conscience est généralisée, c’est indéniable", commente Fabrice Bonnifet, qui regrette cependant que cette prise de conscience n’en soit pas encore parvenue à prendre en considération la gravité de la situation, et surtout ses ordres de grandeur. Les entreprises, pour lui, ne peuvent pas se permettre de se contenter d’une légère amélioration dans leur modèle économique avant de se reposer sur leurs lauriers. Le véritable changement, précise le président du Collège des Directeurs du Développement Durable, s’accompagnera d’une véritable rupture avec le modèle actuel.
C’est une chose de savoir, c’est autre chose de comprendre
- Fabrice Bonnifet, Président (C3D)
Sourcing & Achats de production
- 79% ont mis en place un process d’achat interne prenant en compte des critères de durabilité
- 27% intègrent des critères de durabilité dans plus de 50% dans leur process d’achat
- 76% ne sont pas en mesure de tracer l’impact de leur approvisionnement
- 51% ne connaissent pas la part des achats de production qui ont intégré des critères de durabilité
Suite aux résultats de ce troisième enjeu, Fabrice Bonnifet déplore une nouvelle fois la dissonance entre les engagements forts déclamés par les dirigeants d’entreprise et les États et le manque de prise de mesures concrètes qui s’ensuit souvent. De la part d’une entreprise, tracer l’impact de ses achats est une chose mais, comme le rappelleFabrice Bonnifet, "quand on fait un régime, se peser ne sert pas à maigrir". Il insiste que les entreprises doivent pouvoir se ressaisir, et passer outre cette période de flottement qui ralentit leur passage à l’acte.
Production & énergie
- 76% considèrent faire « plus » avec « moins »
- 77% ont une stratégie de réduction des déchets et gestion de surproduction
- 57% n’ont pas mis en place les 5R (Refuser, Réduire, Réutiliser, Réparer, Recycler )
- 64% considèrent avoir mis en place ou mettent à l’étude une production circulaire
- 12% ont une démarche d’éco-conception généralisée
- 31% ont un fournisseur d’énergie renouvelable et de la sobriété énergétique dans leur communication interne
Fabrice Bonnifet rappelle que ce qui se perd en volume se gagne en intensité. Ainsi, si une entreprise prend la décision de diminuer sa quantité de matières premières dans sa production, elle pourra en retour améliorer sa performance énergétique et faire baisser ses prix. Mais une nouvelle fois, Bonnifet martèle qu’on ne peut pas en rester là : les entreprises doivent fixer un seuil pour leur consommation d’énergie et de matières premières, à ne pas dépasser quoiqu’il arrive, travailler avec leurs clients et de manière générale faire preuve de discipline.
Il faut aller vers une économie de l’usage qui est - intensive en matière première que l’économie de la possession.
- Fabrice Bonnifet, Président (C3D)
"La vision et les bonnes intentions ne suffisent pas", renchérit Romina Boarini, qui soulève que si les dirigeants sont curieux et motivés, ils manquent encore de repères et de normes. À l’échelle européenne, les réglementations sont encore en train d’être dressées, et les objectifs à atteindre pour la planète et le climat restent trop approximatifs.
Logistique et transport
- 20% utilisent des solutions d’IA pour optimiser leur chaîne logistique
- 80% utilisent des outils de collecte de l’impact carbone
- 45% estiment avoir une bonne, voir excellente connaissance de l’empreinte carbone de leur chaîne de production
- 35% ne sont pas en mesure de mesurer la part de transport durable dans leur chaîne logistique
- 56% intègrent moins de 30% de transport durable dans leur chaîne logistique
Pour la présidente du Centre Wise, c’est un angle intéressant à creuser et pas encore assez abordé que le rôle de la logistique et du transport dans la production d’émissions, et ce malgré l’essor qu’ont connu la dématérialisation de l’achat et la livraison dans les foyers pendant l’épidémie.
Communication & marketing
- 76% ont déployé une gamme de produits ou services de marketing responsable
- 71% ont adapté leur stratégie de communication en s’appuyant sur des preuves concrètes
- 45% sont en train d’élaborer un packaging éco-conçu pour 2021
- 80% diffusent des messages sur le DD sur leurs réseaux sociaux
- 40% des équipes de communication ne collaborent pas étroitement avec les équipes RSE
Le manque d’échanges entre les équipes de RSE et de communication en interne serait un moindre mal, selon le président du C3D, car le lien à la transition d’une entreprise reste celui entre la production et la direction générale. Une entreprise peut continuer à déclamer ses engagements pour valoriser son image, mais cette attractivité aura la vie courte, si aucune action concrète ne l’accompagne.
Pour sortir du greenwashing il faut des preuves tangibles, et les preuves tangibles on les trouve dans la façon dont on conçoit les produits.
- Fabrice Bonnifet, Président (C3D)
Modèle de ventes & relation clients
- 78% intègrent des retours clients dans leurs processus d’amélioration du caractère durable de leur offre
- 72% ont des produits qui sont conçus pour s’adapter à une économie circulaire
- 60% des services après-vente intègrent la réparation, réutilisation et gestion des déchets
- 69% ont des produits ou services conçus pour lutter contre l’obsolescence programmée
- 25% des entreprises n’utilisent aucun outil pour améliorer leur processus de vente et d’après-vente
Mesures & Labels
- 2% seulement n’ont engagé aucune mesure pour améliorer leur performance sociale et environnementale
- 75% mesurent les risques sociaux environnementaux
- 65% ont signé le Global Compact et respectent les normes ISO (14000-21000), les certifications et initiatives plus poussées beaucoup moins : 10% de B-Corp, 22% Label de diversité, 7% Carbon Disclosure Program
- 57% ne vont pas plus loin que les reporting RSE alors que les normes n’incluent pas tous les enjeux de la transition durable (protection de la diversité etc.)
Parties prenantes
- Respectivement 60% et 57% participent à l’amélioration des communautés locales et de leur filière professionnelle
- 55% des sondés intègrent des critères RSE
En s’appuyant sur les réponses de ses 52 participants, le Sustainable Maturity Survey se conclut sur un score de 55%, qui laisse entendre que les entreprises ont déjà parcouru plus de la moitié de leur chemin vers un nouveau modèle économique en accord avec leurs valeurs. Une majorité des répondants (47%) serait tout de même dans le ventre mou de cette transition.
"C’est optimiste", relance Fabrice Bonnifet, qui pense que diviser ce nombre par 2 ou 3 nous donnerait une "big picture" plus réaliste de l’avancée des entreprises. Romina Boarini, quant à elle, rappelle une dernière fois à quel point il est crucial que l’action des entreprises rattrape leur vision – ou leurs "engagements désincarnés" comme s’y réfère Fabrice Bonnifet – et ce plus que jamais au vu du temps qu’il nous reste.
La seule bonne nouvelle c’est que les solutions existent, la mauvaise nouvelle c’est le temps qu’il nous reste pour les mettre en place.
- Fabrice Bonnifet, Président (C3D)
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