A Toronto, Alphabet prépare sa smart city | HUB Institute - Digital Think Tank
L’objectif affiché par Sidewalk Labs sur son site est de “ré-imaginer la ville, pour améliorer la qualité de vie”. Dan Doctoroff, l’ancien maire-adjoint de New York qui est à la tête du projet se montre encore plus ambitieux : “nous voulons montrer comment la vie urbaine peut être totalement révolutionnée grâce aux technologies dont nous disposons aujourd’hui. (...) Nous avons étudié toutes les tentatives de smart cities ou de quartiers innovants menées par le passé, et nous les avons trouvé pour la plupart décevants.”
Toujours aussi humblement, il explique que “nos villes n’ont pas beaucoup changé depuis la Seconde Guerre mondiale. Nous pensons qu’il est temps d’évoluer : la technologie peut changer la ville pour le meilleur. Mais les municipalités ont peur de tester de nouvelles choses. En leur donnant un modèle, nous pourrons les faire accélérer.”
"Nous voyons la ville comme une plateforme"
A Toronto, le CEO de Sidewalk Labs et son équipe vont pouvoir expérimenter en conditions réelles les concepts qu’ils développent depuis 2015 au sein d’Alphabet : “Nous voyons la ville comme une plateforme. (...) Elle doit permettre à des entrepreneurs, ici et dans le monde entier, de développer des choses autour, de sorte que cet endroit ne vieillisse jamais.”
Le projet reposera donc sur les principes de l’open data, afin d’ouvrir au maximum les infrastructures de la ville aux développeurs et aux startups. Pour assurer la gouvernance de ces sujets délicats, notamment en regard du respect de la vie privée, Sidewalk Labs milite pour la création d’une institution indépendante, un “data trust”, démocratique, chargé d’assurer la gestion des données collectées dans l’espace public et d’en surveiller les usages.
Nouvelles approches de la mobilité, écologie et innovations techniques sont aussi à l’agenda. En particulier, la zone devra être “climate positive”, c’est-à-dire qu’elle génèrera plus d’énergie propre qu’elle n’en consomme. Le bois sera le principal matériau de construction des immeubles, ce qui tranchera avec le béton, le verre et l’acier qui domine dans le reste de la ville.
Des infrastructures modulaires et évolutives
Rohit Aggarwala, Head of Urban Systems de Sidewalk Labs imagine aussi des rues évolutives, en fonction de l’heure, de la météo ou du contexte. Les trottoirs pourraient s'élargir les midis et les week-ends ensoleillés pour favoriser la promenade et au contraire être rétrécis lorsqu’il pleut pour laisser la place à des zones de “pick-up” pour les VTC.
Le nombre de voies de circulation pourrait aussi évoluer au cours de la journée, en fonction des flux. Quant au bitume, il serait intelligent : capable de recharger les véhicules électriques ou de faire fondre la neige, tout en embarquant de nombreux capteurs. “Certes, c’est plus coûteux qu’une route classique, mais si le gain est supérieur au coût additionnel ? Votre iPhone est bien beaucoup plus cher que vos anciens téléphones” justifie Rohit Aggarwala.
Port Land, 325 hectares en ligne de mire
Si Sidewalk Labs se présente comme une filiale indépendante d’Alphabet, l’ombre de Google n’est pas loin. L’entreprise installera d’ailleurs son siège canadien à Quayside, ce qui en garantit d’ores et déjà le dynamisme. “Mais nous n’allons pas utiliser seulement les technologies de Google ou des autres entreprises d’Alphabet” tient à préciser Dan Doctoroff. Et d’insister : “Nous allons gagner de l’argent avec l’immobilier, les infrastructures et le développement de nos propres produits et services qui pourront être exportés ailleurs. Nous n’avons rien à voir avec les autres modèles économiques de Google et Alphabet.”
Sidewalk Labs doit rassurer : la filiale d’Alphabet va devoir convaincre trois niveaux de gouvernement de valider ses plans, qui seront dévoilés en juin 2019. Son CEO est pourtant confiant : selon lui, les premières concrétisations devraient être visibles “fin 2022, début 2023”. A plus long terme, Sidewalk Labs lorgne sur les 325 hectares de Port Land, adjacent à sa parcelle et d’une toute autre échelle : cette ancienne zone portuaire est l’un des plus grands espaces urbains en réaménagement en Amérique du Nord… “Et si ça marche ici, si on arrive à montrer que nos outils fonctionnent, nous pourrons nous étendre ailleurs” conclut Dan Doctoroff.