Gouvernance data : comment Suez a franchi le pas
"Aujourd’hui, j’ai deux missions chez Suez : une mission de data gouvernance (qualité, accessibilité et sécurité des données) et d’analytics, pour mettre à disposition de l’expertise en IA et des outils de business intelligence pour extraire de la valeur business de cette donnée." explique Chafika Chettaoui.
L’usage de la donnée est parfois siloté, par domaine, par région… Le premier challenge en matière de la data gouvernance est de casser les silos et créer un pont entre ces domaines d’expertise et ces régions, avec un langage commun, pour exploiter la donnée au maximum, et pouvoir répondre à des enjeux communs : benchmarker un projet d’une région à l’autre, regrouper des clients comparables pour créer des services personnalisés ou encore récupérer le maximum de données sur des pannes pour créer des modèles de maintenance prédictive...
Le deuxième challenge est de gagner en agilité. Les marchés ont beaucoup évolué ces dernières années, les concurrents d’hier ne sont déjà plus ceux d’aujourd’hui ou de demain, on a de nouveaux acteurs qui arrivent avec des offres plus digitalisées, personnalisées et plus proches du client.
La gouvernance des données est un moyen pour les grands groupes de maintenir leur position de leader sur le marché, grâce à leur histoire, leurs projets passés, leur connaissance plus fine des clients, leur expertise… Et cette histoire se traduit par la profondeur des données cumulées ces dernières années. L’objectif est d’exploiter ces données au maximum pour maintenir cette différenciation et cette avance sur le marché.
Suez a piloté sa transformation en s’appuyant sur trois piliers intégrant les enjeux aussi bien techniques qu’humains :
- Fédérer : "On a créé une data task force qui intègre plusieurs experts (RH, IT, business de tous secteurs pour définir et déployer une gouvernance sur l’axe technique, culturel et organisationnel). Aujourd’hui nous sommes un peu plus de 130 membres dans 15 régions différentes"
- Donner du sens et acculturer : "La data n’est pas que la responsabilité de l’IT, c’est la responsabilité de tous. Il est important d’expliquer en quoi cette donnée est importante, pour qui, et surtout pour lui-même. Demain cette donnée permettra de se focaliser sur les tâches à plus forte valeur ajoutée. C’est important d’expliquer pour quoi cette donnée va servir au client final, à l’entreprise et au collaborateur. Pour cela, Suez a monté un programme de formation pour acculturer tous les leaders, le middle management et les opérateurs."
- Test & learn : "Pour savoir ce que la donnée fait et ne fait pas, il faut faire. Donc il faut monter des projets. Chez Suez, on a créé un incubateur pour expérimenter ces nouvelles technologies. Le projet dure 6 mois et à l’issue de ce délai, on fait le bilan."
Quels profils recruter en interne ? Quelles ressources laisser à l’externe ? La gouvernance data suppose de penser en véritable écosystème. Elle-même titulaire d’un doctorat en ingénierie informatique et mathématiques, Chafika Chettaoui souligne bien le niveau technique et les enjeux business complexe qu’il y a derrière ce nouveau poste.
"Chez Suez, on a trois types de profils : des profils techniques comme le data ingénieur et le data scientist, et un profil opérationnel qu’est le data steward. Le data ingénieur s’assure que la donnée que l’architecture et les plateformes datas sont bien disponibles, que la donnée qui circule est de qualité et accessible. Le data scientist arrive plutôt en bout de chaîne et développe des modèles et des algorithmes qui permettent d’extraire de la valeur business à partir des données. Enfin, le data steward s’assure que la donnée est de qualité en temps réel, à la source, lorsqu’elle est générée", indique Chafika Chettaoui.
Si la data gouvernance est aujourd’hui le nerf de la guerre, il ne faut pas oublier de démocratiser l’usage de l’IA et de l’analytics. Cela devrait être dans les années à venir beaucoup plus simples et plus accessibles. Cela passe par la gouvernance des algorithmes, donc capitaliser sur ce que les équipes ont déjà développé et avoir des méthodologies et des process qui permettent de l’industrialiser beaucoup plus rapidement.