Supply Chain : « avec l’IA nous n’irons plus dans le mur »
« Le consommateur s’est habitué à être servi très rapidement » selon Yassine Essalih, Cognitive Supply Chain Consultant chez IBM. Encouragé en cela par des champions du numérique, comme Amazon, qui a intégré la qualité et la simplicité de l’expérience client à son ADN dès son origine. Avec des services tels que la vente directe ou la livraison garantie en 24 heures, l’e-commerçant a dû se donner les moyens de bâtir une supply chain technophile et exigeante de ses partenaires, devenant un modèle de "Thinking Supply Chain" pour tous les retailers.
Améliorer l’expérience client n’est qu’un des nombreux résultats de cette transformation ; on peut aussi ajouter la réduction drastique des failles logistiques telles que les ruptures de stock en magasin, et de considérables économies en matière de transport… Pourtant, d’après un rapport d’IDC, seulement 8% des supply chains dans le monde se déclarent à un stade avancé de digitalisation.
IA : l’équilibre entre data et dark data restaurer tu devras
Ce n’est plus une surprise, le premier allié des retailers qui souhaitent optimiser leurs activités : c’est la data. L’optimisation de la supply chain ne fait pas exception, à ceci près que la quantité de données à sa disposition est tout simplement gigantesque. Là où certains métiers comme ceux du marketing vont exploiter des data CRM ou transactionnelles spécifiques, ceux de la supply chain ont des sources très variées toutes potentiellement intéressantes pour définir une stratégie logistique.
À titre d’exemples, « une concentration d’achats dans un secteur particulier peut dans un premier temps alerter sur l’état des stocks des magasins qui s’y trouvent, mais aussi permettre d’envisager des modifications du comportement de consommation, etc. » explique Yassine Essalih.
Un des problèmes aujourd’hui : seulement 20% des données disponibles sont exploitables (quand elles sont exploitées). Les dark data quant à elles représenteraient près de 80% du volume total.
Data : de l’ioT, ton ami tu feras
Il existe une autre source de données que les supply chains peuvent d’ores et déjà exploiter : l’internet des objets (ou IoT). Parmi les 50 milliards d’objets connectés estimés d’ici 2020 (selon Gartner), nombre d’entre eux trouvent en ce moment même des applications professionnelles concrètes dans la supply chain.
On peut prendre en exemple les drones et caméras capables de scanner automatiquement les entrepôts pour communiquer des données critiques sur l’état des stocks (technique notamment exploitée par Amazon) ; ou encore les senseurs connectés tels que les thermomètres suivant en temps réel des constantes en cours d’acheminement (température des produits périssables, etc.)
Une aubaine pour les sociétés désireuses d’optimiser leurs processus logistiques, mais aussi d’offrir des services de traçabilité vivement demandés par les clients à travers le monde dans un contexte de scandales fréquents. Après tout, No Trust No Business.
Les séduisantes dark data tu appréhenderas
Yassine Essalih définit les dark data comme « l’ensemble des données exogènes à l’entreprise. Elles sont détenues par les partenaires (ses fournisseurs, ses transporteurs…) ou transitent sur le Web. » Ne pas les prendre en compte revient à se priver de la possibilité d’anticiper des problèmes majeurs sur la supply chain.
Le plus intéressant dans cette histoire étant que, pour développer sa solution IBM Watson for Supply Chain, le groupe technologique s’est appuyé sur ses propres mésaventures.
« Après le drame de Fukushima, un fournisseur de pièces informatiques a vu son activité paralysée. En conséquence, l’ensemble de la chaîne s’est vue ralentie et nous n’avons pas pu délivrer nos machines à temps ce qui a naturellement agacé nos clients et engendré des pertes. » Raconte Yassine Essalih avant d’ajouter : « nous nous sommes rendus compte que des informations circulaient déjà sur la toile. Si seulement nous avions été en mesure d’écouter ces données non structurées, nous aurions pu réagir avant que la chaîne ne se grippe. »
Pour adresser cette problématique, le groupe technologique a d’ailleurs acquis la société The Weather Company, qui lui permet d’ajouter la compilation de données météo précises à sa solution SaaS. Elles sont déjà exploitées pour optimiser la production de fermiers indiens, les campagnes marketing de distributeurs de glace aux USA, et bien sûr, permettre aux utilisateurs de Watson d’anticiper des problèmes logistiques.
En tous la force s’éveillera
Si la synergie entre données et supply chain est si importante, pourquoi alors la digitalisation de cette dernière n’a pas été la priorité des entreprises lors de leurs transformations ? Parce que cette mutation technologique est d’autant plus complexe que pour être efficace elle doit impliquer de nombreux acteurs.
Cette observation a considérablement influencé l’approche client d’IBM. Pour démontrer l’efficacité de Watson, le groupe met en place des "Hub & Spoke" où il convie ses clients, mais aussi leurs partenaires qui constituent les supply chains.
« L’entreprise qui initie la transformation numérique de sa supply chain doit faire adhérer l’ensemble de son écosystème partenaire sous peine de perdre près de la moitié des données exogènes qui pourraient lui être utiles. » Déclare Yassine Essalih avant d’ajouter : « nos Hub & Spoke ont pour intérêt de partager des best practices à l’ensemble des acteurs de la chaîne et nous complétons cette approche participative par des « Resolution Rooms » où nous soulevons les problèmes de nos clients et les résolutions potentielles en présence de leurs partenaires. »
Reste à savoir à qui s’adresse ce type de solution et surtout comment s’initie un tel projet. L’intelligence artificielle a la réputation d’être coûteuse et de n’être accessible qu’aux groupes internationaux. « Ce temps-là est passé. L’IA et les solutions de machine learning se démocratisent. Désormais, même les marques régionales peuvent y prétendre. C’est d’autant plus simple que désormais elles sont accompagnées et que ce n’est plus à elles de s’adapter à l'outil, mais l’outil qui s’adapte à leurs besoins. »
Elémentaire mon cher Watson
Yassine Essalih entend expliquer ici que Watson est déjà pré-éduqué et aurait même « passé son diplôme de spécialiste de la Supply Chain ». Alors que les algorithmes de machine learning nécessitent généralement un certain temps d’apprentissage dans l’écosystème de données de l’utilisateur (période pendant laquelle le ROI est nul voir négatif), désormais des acteurs tels qu’IBM (mais on peut globalement citer tous les grands groupes proposant de telles solutions) entendent réduire « l’effet tunnel » et permettre à leurs clients de générer instantanément du ROI. Une procédure appelée « Fast Start » dans la firme de Virginia Rometty.
Watson : les 3 étapes du Fast Start
Étape 1 : Détecter les cas d’usages
IBM échange avec les équipes opérationnelles de son client afin d’identifier très précisément les "pain points" dans les procédures logistiques. À partir de là, un travail de réflexion est effectué afin de définir quelle donnée est manquante et pourrait résorber la faille (où la trouver, sous quel format la présenter aux équipes…)
« L’entreprise doit être actrice de cette réflexion pour que la solution soit pleinement adaptée à ses besoins »
Étape 2 : Convaincre les directions
Une fois les valeurs de la solution de machine learning démontrées, elles sont présentées à l’ensemble des leaders d’entreprise. La transition numérique doit obligatoirement s’accompagner du parrainage du comex et donner lieu à une réelle transmission de la vision de l’entreprise à l’ensemble de ses collaborateurs.
L’utilisation de l’IA dans la supply chain impliquant nécessairement (comme dans tous les autres métiers) un management et de compétences spécifiques.
Étape 3 : Tester le Minimum Viable Product (MVP)
Si les précédentes étapes aboutissent sur une entente, IBM fournit un minimum viable product (ou MVP, un prototype de la solution). Pendant trois mois, la marque peut exploiter cette solution SaaS, la laisser apprendre de ses données et processus, pour ensuite valider ou non son exploitation en fonction des premiers résultats observés.
« Tout est mis en place pour que la solution soit effective et génère des résultats dès la fin de ce laps de temps » confirme Yassine Essalih.
Pour les entreprises de plus petite envergure, la transformation digitale de la supply chain peut en partie être internalisée comme le prouve Plated. La société a opté pour l’embauche d’un Data Science Officer chargé de constituer une équipe de data scientists et d’ingénieurs solution afin de développer des algorithmes de machine learning capables de compiler et d’interpréter des données jusque-là ignorées par la société.
Résultat : une rationalisation des coûts de production et d’acheminement notamment via la réduction des offres à disposition du consommateur pour des profits revus à la hausse.
Avec la blockchain, tes horizons tu ouvriras
Nous l’avons bien compris, même avec l’IA, l’un des grands enjeux de la digitalisation de la supply chain est de parvenir à impliquer l’ensemble de ses maillons.
Une technologie encore balbutiante sur le marché, mais pleine de promesses, s’offre aux retailers pour les aider dans cette entreprise : la blockchain. Avec elle, tous les processus logistiques pourraient gagner non seulement en sécurité, mais en rapidité, permettant ainsi à tous les acteurs de la supply chain d’harmoniser leurs échanges de données et de réagir à la moindre irrégularité en des temps record. Une arme de plus pour ramener au grand jour les dark data que nous vous réservons pour une autre lecture.
Envie d’en savoir plus ? Découvrez des cas concrets présentés par les retailers lors du HUBTALK AI & Supply Chain le 24 septembre au HUB Institute. L’occasion de rencontrer Yassine Essalih et de lui poser vos questions sur le sujet.