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Bâtir une organisation auto apprenante ? Notre cerveau est notre allié

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Bâtir une organisation auto apprenante ? Notre cerveau est notre allié

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D’après l’Institut pour le Futur de Dell, « 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore ». Cette affirmation traduit à la fois la courbe de croissance de technologies hautement disruptives (comme l’IA) dans le paysage professionnel, mais aussi la nécessaire rapidité avec laquelle les collaborateurs des entreprises vont devoir adapter leurs compétences.

Un enjeu de formation majeur se présente alors, tant pour les salariés désireux de garder leur emploi, que pour les entreprises qui se heurtent déjà à de sérieuses difficultés pour trouver les talents dont elles ont besoin pour rester innovantes et compétitives.

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Comment se préparer à l’organisation (auto)apprenante ? Telle est l’énigme à résoudre lors de la première matinée d’échange du second cycle du HUBKLUB RH & Leadership animé par Caroline Loisel, Senior Digital Consultant du HUB Institute. À ses côtés des professionnels aux spécialités complémentaires : neuroscientifiques, adeptes du codéveloppement et éditeurs de solutions d’apprentissage, tous réunis pour définir la roadmap et le mindset à adopter afin de garantir aux collaborateurs un environnement propice à l’acquisition de nouvelles compétences.

 Tout commence par notre cerveau

On parle de réforme du management agile, mais sachez que notre cerveau résiste naturellement au changement et si vous ne l’écoutez pas, vous n’évoluerez pas.
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Erwan Deveze, consultant en neuro-management, souligne ainsi le manque de connaissance des leaders d’entreprises quant au fonctionnement général du cerveau humain. Avec le temps, cette inconnue a provoqué l’adoption inconsciente de nombreux "biais cognitifs" : de fausses vérités qui façonnent la manière dont on conçoit le management. Avec Sabrina Bouraoui, fondatrice de Shades of Gray, ils en listent plusieurs qui doivent impérativement être éliminés de l’équation managériale des organisations auto apprenantes.

Biais n°1 : Se focaliser sur le succès

« À l’heure actuelle, la quasi-totalité des KPI fixés par les entreprises sont basés sur le succès. Ils ignorent la notion d’échec, et donc tout enseignement que l’on peut en tirer. » - Sabrina Bouraoui

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Les deux spécialistes pointent du doigt la vision erronée des managers qui pensent qu’en martelant que l’échec n’existe pas, ils tirent leurs équipes vers l’excellence. Si cette philosophie semble stimuler les collaborateurs, c’est davantage par la crainte d’échouer et d’en assumer les conséquences. Or la première conséquence d’un échec est avant tout d’apprendre à ne pas le reproduire et ainsi de gagner en compétence.

« Votre mission en tant que manager est de trouver le moyen de briser le crédo « dans le doute abstiens toi » et de le remplacer par une adoration de l’échec positif. » - Erwan Deveze

Biais n°2 : Prioriser l’action

En tant que salariés, nous sommes souvent portés à croire que l’on peut nous reprocher la fréquence ou la longueur de nos pauses.

Pour Sabrina Bouraoui, si le terme « burnout » est désormais connu de toutes les organisations, c’est essentiellement parce que le management perçoit dans la pause un temps de « non-productivité » et donc une menace aux performances d’entreprise.

« Pourtant, votre cerveau s’active beaucoup plus lorsque vous ne faites rien. Sans activité physique ou intellectuelle spécifique, vous devenez capable d’une réflexion largement supérieure et de vous projeter plus facilement vers l’avenir. C’est un état propice à la découverte de toutes sortes de solutions ! » complète Erwan Deveze.

Biais n°3 : Croire en la conformité

"Nous sommes naturellement portés à croire qu’il faut adhérer aux valeurs du groupe pour en faire partie. Nous nous résignons donc à croire en la conformité."

Pour ce troisième biais cognitif, le constat est sans appel. Que l’on soit un collaborateur ou un manager, nous renonçons tous et toutes à valoriser nos différences au profit d’un sentiment d’acceptation au groupe. Erwan Deveze rappelle que nous apprenons bien plus des divergences d’opinion, de culture, et d’expérience.

« Pour les managers c’est encore plus dangereux, car de faux consensus peuvent apparaître et laisser entendre que des décisions sont bonnes, puisqu’elles sont indiscutées, alors qu’elles sont en réalité mauvaises. »

Biais n°4 : Le savoir appartient aux stratèges

Dernier biais de cette liste, et non des moindres : croire que le savoir appartient aux stratèges, ceux qui réfléchissent derrière leurs bureaux.

« C’est doublement faux. D’abord parce que nous disposons bien évidemment tous de savoirs qu’il convient de partager et de faire évoluer. De plus, le cerveau est préconfiguré pour apprendre mieux dans l’action. Les opérationnels sont donc des mines de savoirs pour l’entreprise. » Erwan Deveze

Comment lutter contre nos biais cognitifs ?

La suppression des biais cognitifs est un travail de longue haleine. Il est naturellement toujours plus compliqué de remettre en question ce que l’on « sait » pour apprendre son contraire. Pour Erwan Deveze, il est toutefois possible de créer un contexte propice à cette remise en question pour tous les collaborateurs, quel que soit leur niveau dans la hiérarchie.

« Le management doit s’adapter à notre cerveau, et non l’inverse ».

Il propose l’application de modèles mentaux aux processus managériaux notamment via la méthode SCARF (définitions issues de neuroperformance.fr) visant à réduire les sensations de menace sur les employés (et leurs cerveaux) et favoriser les circuits de récompense, beaucoup plus propices au dynamisme.

Statut

Le statut est l’importance, le « poids » que l’on croit avoir au sein du groupe et qui nous est reconnu. Lorsque l’on a l’impression que son statut augmente, le circuit de récompense est activé et déclenche une augmentation du niveau de dopamine. On se sent alors en pleine possession de ses moyens, irrésistible, voire euphorique. Si, à l’inverse, on a le sentiment que son statut baisse, s’activent alors les circuits de menace engendrant des comportements de fuite, de résistance, voire d’agressivité. Les collaborateurs et managers accordent une très grande importance à la construction et à la préservation de leur statut.

Ayant conscience de cela, il est essentiel pour un leader de reconnaître l’unicité et la spécificité de chaque élément de son équipe. Remettre en cause le statut d’un collaborateur, le dénigrer, le comparer, amènera un sentiment d’infériorité et de dévalorisation et sabotera l’esprit d’équipe. Le leader se doit de rassurer en multipliant les feed-backs positifs.

Cerveau

La certitude est liée au fait d’avoir une idée précise du futur et de ce qu’il nous réserve. C’est un mécanisme de survie très puissant dans le cerveau. Face à l’inconnu qu’il n’aime pas par nature, le cerveau dépense toute son énergie à essayer de découvrir les prochaines échéances et non à faire ce qu’il doit faire. Ce faisant, le collaborateur ne se trouve plus dans l’action susceptible d’améliorer sa condition du moment (et celle de son organisation), mais dans la projection stérile et incertaine qui est source d’angoisse et qui peut même le mener jusqu’aux prophéties auto-réalisatrices ! (à force de se convaincre que le pire va arriver, il finit par arriver…).

Le leader doit être clair dans ses attentes, ses objectifs et ses propos, en évitant « la carotte et le bâton » qui n’est plus un système de management performant dans la complexité du monde du travail actuel.

Autonomie

L’autonomie est liée à la sensation d’avoir un certain contrôle et de peser sur les événements en étant proactif et non réactif, en proposant l’agenda et non en le subissant. Ce point est essentiel pour tous et particulièrement pour la génération Y. La fonction d’un leader efficace n’est pas de faire du micromanagement, mais de définir et piloter une stratégie avec des objectifs précis et de donner les moyens à ses équipes de travailler efficacement. Seuls les résultats comptent, les leaders s’inscrivant dans un schéma passé de type taylorien sont à contre-courant.

Relations

Les relations sont liées à notre capacité au sein de l’équipe à nous sentir en sécurité, voire idéalement en affinité. Plus on se sent en confiance, moins on utilise d’énergie à assurer nos arrières et donc plus nous avons de l’énergie disponible pour être créatif, centrés sur notre travail et performant. Le cerveau opte pour une lecture relativement binaire des relations au sein de l’entreprise : les autres sont soit des amis, soit des ennemis. Il est donc essentiel de pouvoir fonctionner dans un cadre sain sur le plan relationnel.

Il est du rôle d’un leader de veiller au bon développement de l’esprit d’équipe au sein de son groupe, via notamment l’organisation de sessions de team-building et la mise en place d’outils fédérateurs de communication interne (journal interne, page internet, etc.).

Franc jeu

Le Franc-jeu est la perception par les collaborateurs que l’échange est juste et franc et qu’il n’existe pas de double langage ou d’agenda caché dans les relations au sein du groupe, faute de quoi la méfiance, la suspicion, les rancœurs et les procès d’intention se multiplieront.

Un leader doit « dire ce qu’il fait et faire ce qu’il dit » s’il veut être compris, respecté et pouvoir entraîner et motiver toute son équipe derrière lui.

Codéveloppement : misez sur la puissance du groupe

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Alexandre Guillard, Deputy Director of Collective intelligence development chez Covea

L’équipe parlons-en. Si la méthode SCARF s’établit autour de la prise en compte du fonctionnement de chacun des collaborateurs, il ne faut pas pour autant en négliger l’efficacité du groupe dans le processus apprenant.

Avec son programme de "codéveloppement", Covea en a fait le pilier fondateur de sa méthodologie de formation basée sur « l’intelligence collective » depuis dix ans.

« Le groupe de codéveloppement professionnel est une approche de formation qui mise sur le groupe et les interactions entre les participants pour favoriser l’atteinte de l’objectif fondamental : améliorer sa pratique professionnelle ».

- Adrien Payette enseignant à l’ENAP et Claude Champagne, psychologue industriel.

Alexandre Guillard, Deputy Director of Collective intelligence development chez Covea explique toutefois que la méthode de codéveloppement de sa société diffère du protocole d’origine inventé par les deux Québécois précités.

Il s’agit de séances réservées aux mid managers, « même si nous espérons pouvoir étendre ce programme à tous nos collaborateurs » qui se rassemblent en groupes de 6 à 8 individus sur la base du volontariat. Un parcours de 9 mois est composé à partir de leurs emplois du temps respectifs. Il se constitue d’interventions brèves se focalisant davantage sur la localisation des problèmes plutôt que leurs solutions et ce dans un contexte de « bienveillance impitoyable ».

En effet, si le collaborateur peut parler à sa convenance, sans crainte de savoir ses propos sortir de cette bulle (le programme de codéveloppement étant par exemple totalement indépendant des grilles d’évaluation salariales) il n’en reste pas moins contraint d’aborder à bras-le-corps ses différents problèmes pour en comprendre l’impact sur ses propres soft et hard skills (les KPI de cette approche) mais aussi ceux de toute l’organisation, le tout devant ses pairs qui l’aident à étudier la question au regard de leur propre expérience.

Partage du savoir : tous les managers sont de la partie

« Plus le sponsor de votre démarche apprenante est élevé dans la hiérarchie plus la réussite de celle-ci est sûre. »

- Fabienne Vandekerkove, Head of Employee and Customer experience chez Elium

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Quelle que soit la méthode employée par les entreprises pour développer les compétences de leurs collaborateurs, elles doivent toutes être personnellement menées par leurs dirigeants. Pour les sociétés dont les leaders ne sont pas convaincus par les programmes de codéveloppement, chronophages et parfois « effrayants » pour les managers qui ne peuvent entendre ce que déclarent les collaborateurs participants, des solutions technologiques peuvent être une première option mais seule, elle ne sera pas suffisante à l’émergence de l’organisation apprenante.

C’est le cas de la plateforme de partage de savoirs proposée par Elium.Elle consiste davantage en une plateforme harmonisant les ressources de l’entreprise et amplifiant leur partage entre tous ses pôles et collaborateurs. Une bonne image de la philosophie d’Elium en matière de processus autoapprenant.

« Une organisation autoapprenante doit avoir la capacité de se remettre en question, de changer de point de vue. Pour ce faire tous les collaborateurs doivent avoir un accès simplifié aux savoirs de l’entreprise pour les assimiler ou les challenger. »

Le top management doit encourager cela, notamment par la mise en place d’un Knowledge Manager chargé de garantir la centralisation et l’accès aux ressources de l’organisation. Reste qu’il ne faut pas le confondre avec un hypothétique responsable des formations.

En la matière Fabienne Vandekerkove ne cessera de marteler que la prise de décision concernant les processus d’apprentissage ne doit pas être centralisée et que chacun doit se responsabiliser au sujet. Tous les managers ont la responsabilité d’encourager ces initiatives et de participer à la création de processus efficaces car adaptés aux profils particuliers de leurs collaborateurs directs.

Elium n’intervient pas ici qu’en sa qualité d’éditeur de solution d’apprentissage, mais aussi parce que la société vit depuis quelques mois ce qu’elle promeut. Elle se heurte ainsi aux mêmes challenges en matière de formation et de partage des connaissances que ses clients après avoir doublé son personnel et la surface de bureaux qu’elle occupe.

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La présentation de Fabienne Vandekerkove était précédée d'un petit atelier de codéveloppement animé par Hélène Marcq, Customer Success Manager chez elium. Première fois que le HUBKLUB RH & Leadership donnait lieu à ce type d'activité pédagogique.

En conclusion, créer les conditions d’une organisation apprenante :

  • Rend essentiel le renforcement de nos capacités à mieux nous connaître (Neurosciences);
  • Signifie la mise en place d’un accompagnement focalisé sur les softs skills;
  • Va de paire avec de nouvelles postures managèriales quittant le statut de pouvoir par le savoir pour un statut de pouvoir par la redistribution même de ce pouvoir;
  • Est l’affaire de tous, pas seulement des services RH et doit être pour une efficacité rapide sponsorisé par la direction.

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