La génération Z et le luxe ? It’s complicated

Quelles sont les attentes des moins de 25 ans envers le luxe ? Comment parler à cette génération Z qui représente 32 % de la population mondiale et représentera demain 40% de la clientèle luxe ? Eric Briones a décortiqué cette génération à part et nous livre les trois chocs fondamentaux qui guettent le secteur du luxe.
La Gen Z n’a pas la même relation au luxe que les Millennials
Comme nous l’avions annoncé en 2014 dans notre livre La Génération Y et le Luxe, la génération Y (1980-1994) a été une bénédiction pour le monde du luxe, et le moteur de sa croissance à deux chiffres. Les Millennials sont dans un rapport de fascination au luxe. Les séduire n’a pas été très difficile, il a suffi de répondre à leurs désirs, avec pragmatisme : une offre sneaker riche et permanente, des collaborations clinquantes à foison, des pop-up stores dans le monde entier, une survalorisation de l’esprit streetwear quelque peu démagogique et une communication digitale au niveau.
Qu’elle soit de Chine, des USA ou de France, la Gen Z n’entretient pas le même rapport avec le luxe. Les Z regardent le luxe avec un rapport distancié, loin de la fascination Y. Ils lui opposent un rapport de force qui s’inscrit dans l’Affirmation. Cette affirmation est plurielle, elle impacte tout le mix marketing, de la conception produit à la stratégie retail, en passant par le CRM.
Le Choc d’Affirmation avec le luxe
Cette affirmation est pragmatique, les Z ont été élevés par les champions du commerce postdigital : Amazon en Occident et Alibaba en Chine, deux acteurs qui ont porté la convenience au rang d’art. Cette ultra-convenience n’est pas un luxe mais un dû, accessible pour tous les produits, même gratuits… Alors quand on parle d’un rouge à lèvres Hermès vendu à 62 €, les attentes servicielles deviennent paroxysmiques !
Le Choc contre le luxe cher
Ayant toujours vécu dans un contexte de crise économique et financière, a contrario de l’archétype cigale du Millennial, la gen Z s’assume radine (78 %, source Ifop) ! De plus, pour 70 % des jeunes Français, Britanniques et Américains, le luxe est devenu trop cher et sa politique tarifaire doit être revue à la baisse (source Ifop 2019). L’arme fatale Z contre le "luxe cher" est soit le flagrant délit de mauvaise qualité de certains objets de luxe (les vidéos dénonçant le luxe défectueux pullulent sur YouTube) ; soit l’indignation permanente sur Twitter autour du shopping hors de prix de célébrités, comme la récente affaire concernant Nabilla et son sac Hermès, reçu pour son anniversaire, estimé à 350 000 €.
Plus inquiétant pour le secteur, la fierté ne vient plus de la possession mais de l’accès à l’objet de luxe. La palette des moyens pour accéder au luxe est infinie : seconde main, location, troc. Patrick Louvet, CEO de Ralph Lauren, a totalement intégré cette nouvelle donne dans la stratégie de la maison. Il a ainsi, à Davos, défini les contours du vestiaire de demain : une partie dédiée aux nouveautés et pièces classiques possédées, une autre aux pièces d’occasion et enfin, une troisième regroupant les vêtements et accessoires loués. Dès lors, on comprend mieux la multiplication des collaborations entre la plateforme de seconde main Depop et Ralph Lauren.
Une nuance fondamentale à apporter : seulement 37% de la jeunesse chinoise se retrouvent dans cette affirmation contre le luxe cher. Hylink va même plus loin en annonçant que les Z Chinois prévoient un budget moyen de 6000 € pour le luxe/mode en 2020.
Le Choc Progressiste contre le luxe conservateur
Cette affirmation est aussi idéologique : l’étude #ZGeneration 2018 que nous avons co-signée avec l’Ifop, a révélé en France que le poids entre les "anti-luxe" et "pro-luxe" était exactement le même, soit 13 %. L’impact sur les Z des films comme Parasite, Joker, Une Fille Facile ou la série Netflix The Wave, montre l’avènement d’un courant violent anti-riche, anti-luxe à ne pas sous-estimer.
Partout à travers le monde, le luxe s’ouvre à de nouvelles clientèles : les "outsiders" d’hier sont devenus les barons du "New Money". Ils sont les nouveaux maîtres du sport et de l’entertainment, ils ne sont pas les clients historiques du luxe (le film Uncut Gems est incontournable sur ce sujet), ils bousculent les valeurs conservatrices du luxe et l’obligent à épouser un système de valeurs progressistes, où l’inclusivité est la norme et où les sous-cultures deviennent la culture dominante.
Louis Vuitton est à l’écoute de cette génération Z qui voit dans le luxe, le plus beau "Personae" de ses idéaux progressistes. Trois actes ont marqué cet alignement idéologique :
- En 2018, la nomination du totémique directeur artistique Virgil Abloh.
- En 2019, le coup de gueule sur Twitter de Nicolas Ghesquière suite à la poignée de mains entre Donald Trump et Bernard Arnault.
- En 2020, le partenariat entre Louis Vuitton et la NBA.