Après le COVID-19, quel rebond pour l’économie française ?
Sans précédent, c’est vraiment la caractéristique de la dépression vécue actuellement par l’économie française. Serait-elle comparable à la crise de 1929, comme l’évoquait le ministre de l’Economie Bruno Lemaire ? Pas vraiment, dans le sens où elle frappait en premier lieu le système financier et non l’économie réelle. De même les crises de 1987 (système financier), 2000 (bulle Internet) et 2008 (bulle immobilière) étaient des crises financières. Difficile enfin de comparer avec la crise de la grippe espagnole, où l’économie française était déjà détruite par la guerre. Enfin, la comparaison avec la Chine est de portée limitée, car le gouvernement chinois ne communique que sur sa production industrielle et pas sur la partie services, qui constitue la majorité de notre économie.
Concernant l’ampleur de la chute à venir, les estimations des experts convergent : selon l’Insee (dans une note du 26 mars), l’effet d’un mois de confinement serait de -3% sur le PIB, et de 6% sur deux mois, de même l'OFCE estime la chute de 4 à 6% pour 2 mois de confinement. L’OCDE enfin évalue de son côté la chute à -2% par mois pour les pays développés.
Plusieurs facteurs influencent ce résultat :
- le type d’activités à l’arrêt complet : l’événementiel, la restauration, les loisirs, le tourisme, les transports, en particulier aérien. En France, ces activités représentent entre 10 et 20% de l’économie, mais leur redémarrage peut être extrêmement rapide. Ce ratio peut être moins important pour d’autres pays.
- l’efficacité du télétravail : si le passage au télétravail ne se traduit pas par une baisse trop importante de la productivité (par exemple liée à la contrainte de l’école à la maison), alors les activités encore réalisables à distance peuvent être maintenues. L’enjeu managérial est absolument central car c’est la première fois que la plupart des entreprises fonctionnent en quasi 100% en télétravail.
- l’ampleur du soutien gouvernemental aux entreprises : le chômage partiel permet d’éviter les défaillances d’entreprises, à condition que la période de confinement ne soit pas trop longue. Les formes de soutien sont multiples : PME (via la BPI), professions libérales, intermittents... Là aussi, la durée est un élément-clé. Un grand nombre de défaillances d’entreprises pourraient également mettre en difficulté les banques et bien sûr gonfler le nombre de chômeurs. Dans ce domaine, le gouvernement a débloqué une enveloppe de 45 milliards d’euros (pour rappel le plan de relance post-2008 était de 30 milliards d’euros). Une crise de la dette n’est pas à exclure dans quelques mois, mais comme de nombreux pays développés seront soumis à la même situation...
Il est donc essentiel, d'une part que la période de confinement ne dépasse pas les 2 mois généralement admis, et d’autre part d’anticiper le déconfinement afin de redéployer rapidement les activités pour tous ceux qui le pourront.
Ceci posé, 2 facteurs peuvent laisser supposer une reprise dynamique à court terme :
- des dépenses différées pourront être réalisées à court terme : l’expérience chinoise le montre, des achats de biens durables sont engagés à la sortie du confinement (automobile, produits blancs…), l’envie de retrouver une forme de plaisir et de liberté serait rendue possible du fait de la baisse drastique des dépenses des ménages durant la période de confinement.
- En Chine, les premiers chiffres de redémarrage dans les zones confinées rappelle le rebond enregistré après la crise du SRAS en 2003 : Même si le marché chinois a totalement changé, le commerce avait retrouvé son niveau d’avant crise en moins de 6 mois. Or l’appétit de consommation est bien là, un rapport récent de Cosmose parle de 'Revenge Shopping'.
Toutefois, cette reprise se traduit par une redistribution des usages et des achats. Parmi les grands perdants de la crise en Chine : le tourisme (-2,24 MM € sur la période), le secteur Food & beverage (-10,5 MM €), l'hôtellerie (nuitées -80%), la mode (-85%) et bien sûr le transport aérien. Parmi les grands gagnants : le retail online (+156%), la cosmétique (+68%), le streaming et les réseaux sociaux (usage +30%), selon Kantar.
A plus long terme, il faudra s’adapter, avec trois inconnues :
- le risque de rebond de l’épidémie qui entrainerait des périodes de libéralisation, puis de reconfinement (l’épidémie de grippe espagnole a ainsi duré 2 ans), et donc pour les entreprises une gestion du risque dans la durée, et une exigence d’extrême agilité
- L'acceptation de la dette des pays par la communauté internationale
- L'impact durable de cette expérience sur les modes de travail et de consommation, et notamment : la relocalisation de l’alimentation, la relocalisation d’industries stratégiques, l’importance accrue de la santé, la préoccupation environnementale.
Ainsi, l’Institut pour l’économie du climat (I4CE) propose de construire la relance française autour de la préoccupation du bas carbone, à travers un green deal sur 3 ans, doté par l’Etat de 7 MM € par an, avec ambition de déclencher 18 milliards d’euros d’investissements annuels, répartis entre plusieurs acteurs (collectivités, banque publiques d’investissement, etc.). Au programme, rénovation énergétique des bâtiments, promotion des transports bas carbones collectifs et individuels, substitution d’énergies renouvelables