Aravati : “Jamais la fonction RH n'a été autant mise à rude épreuve”
HUB : Quel état des lieux, et quelles problématiques dressez-vous pour les DRH dans un monde en pleine crise sanitaire ?
Hymane Ben Aoun : D’après moi, jamais la fonction RH n'a été autant mise à rude épreuve avec les restrictions dues au contexte sanitaire. La protection au travail, la protection des salariés, tous les enjeux d'activité partielle, de garde d'enfant, le besoin d'isoler les gens éventuellement malades, etc, c'est un casse-tête sans fin pour les RH. Cela les mobilise énormément. De plus, il existe un risque pénal important pour les entreprises, et les RH sont vraiment en première ligne sur tous ces sujets.
Ensuite, nous constatons que les entreprises ont vécu les limites de la procrastination dans la transformation digitale. La rapidité du changement a pris de cours beaucoup d’organisations qui voulaient prendre le temps. Malheureusement, un jour l'activité est au rendez-vous et le lendemain, il n'y a plus l'activité comme on la connaît. Elle s’est désormais déportée sur un canal digital. Face à ce shift, on se tourne vers les DRH en se rendant compte qu’on n’est pas assez agiles ou digitaux. Un processus de transformation doit donc se mettre en route dans l’urgence et il faut recruter des collaborateurs qui vont aider l’entreprise à se transformer. C'est une demande qui vient s'ajouter à tout un tas d’autres sollicitations.
Donc aujourd'hui, chez Aravati, on reçoit des personnes qui sont sur-sollicités et qui manquent de temps. Cependant, quand vous confiez une chasse à un cabinet, il faut prendre le temps du brief. Il faut transmettre la culture de l'organisation, ses enjeux, ses besoins, ses attentes, etc. Et c'est compliqué aujourd'hui, parce que les équipes RH n’ont plus beaucoup de bande passante et c’est pour ces raisons que nous avons essayé de trouver des solutions ou des moyens, de les accompagner et de leur faire gagner du temps sur des sujets stratégiques.
HUB : Quelles sont les réponses d’Aravati face à ces contraintes que vous soulignez ?
HBA : La première offre que nous avons mise en place en avril dernier, c’est une prestation de RPO (Recruitment Process Outsourcing). Il s’agit d’externaliser le processus de recrutement. Les clients ont un certain nombre de recrutements stratégiques en transformation digitale à faire, et n’ont pas nécessairement la bande passante pour nous confier cela en format “chasse” poste après poste. Nous allons donc leur fournir l'expertise du cabinet directement chez eux. Comment ? En déléguant, chez eux, un consultant, recruteur, expert des métiers du digital confirmé qui va être suffisamment autonome pour “s’onboarder” dans l'entreprise et être capable d'être une ressource qui ne nécessite pas beaucoup de temps et d'énergie en management, qui va être directement opérationnel. Cette cellule de RPO se développe fortement avec les associés à la tête du projet chez Aravati, notamment avec ma collaboratrice, Raphaëlle Bègue, consultante senior en recrutement et développement RH.
La deuxième offre que nous avons développée pour aider les DRH, concerne les contrôles de références automatiques. En fin de process de recrutement, il y a un, deux, trois finalistes parmi lesquels vous avez envie de recruter. Dans l’optique de mieux connaître la personne avec qui vous allez travailler demain, en général, nous demandons aux candidats de nous communiquer deux ou trois référents auprès desquels nous allons pouvoir échanger. Nous nous sommes rendu compte que les candidats mettent un peu de temps à nous donner leurs référents. Une étude a été menée par La Relève qui dévoile qu’1/4 des candidats abandonnent le process quand on leur demande des références. C'est énorme, et cela est vrai que ce soit des juniors ou des plus confirmés. Pour remédier à cela, nous proposons aux DRH, une plateforme en ligne dans laquelle, dès que vous avez identifié un candidat que vous trouvez intéressant, vous pouvez envoyer un lien via la plateforme en lui demandant d'y injecter des références, qui seront contactés directement via la plateforme avec un questionnaire adapté. “Quand est-ce qu'ils ont collaboré ?” “Quel était son lien avec le candidat ?” etc. Un gain de temps pour le recruteur, le référent et le candidat.
HUB : En tant que “Chasseur de talents digitaux”, quel est votre analyse devant l’augmentation exponentielle de la demande pour les talents digitaux ? L’avez-vous particulièrement observé dans un domaine en particulier ?
HBA : Les entreprises ont vraiment pris conscience que la qualité de l'expérience en ligne ont la volonté de développer des portails, des applications ou des sites qui permettent un parcours et une expérience client de qualité. Dans cette optique de création et d’optimisation digitale, les profils UX/UI sont logiquement très demandés.
Il y a un deuxième type de profil très sollicité, ce sont les Data Analysts / Scientist. Aujourd’hui nous nous sommes rendu compte qu’il fallait être capable d'analyser correctement les données collectées. Le digital génère énormément de données qui aident à la compréhension des clients, avec ce que cela implique d’attentes et d’exigences. Concevoir des algorithmes qui vont permettre d’enrichir l'expérience, d'améliorer les process est devenu un “pain point” pour les entreprises.
Les autres métiers en flux tendu aujourd'hui touchent à l'omni canal. Jusqu'à aujourd'hui, les entreprises sont encore très segmentées en termes de canaux. On remarque donc un recrutement assez conséquent pour améliorer les parcours en multicanal.
Et enfin, les profils CRM. La relation client étant passée de la qualité de la relation et de l'excellence en boutique à une qualité de relation client virtuel, les profils CRM sont devenus indispensables. Comment accompagner nos clients ? Comment mieux les connaître ? Comment répondre à leurs besoins ? Comment s'adresser à eux ?
Enfin, il y a tous les postes globaux de Direction de projet, de Direction produit, de direction de programmes, parce qu'une multitude de projets a émergé à plein de niveaux dans les entreprises.
HUB : Quel constat portez-vous sur le niveau de digitalisation au sein des équipes RH aujourd’hui ? Comment la technologie va aider ces équipes ?
HBA : A mon sens, il existe déjà nombre d'outils digitaux qui permettent de les aider, le tout étant de les intégrer. J'ai rarement vu autant de demandes sur des profils SIRH (Systèmes d'information RH), donc de refonte de système d’information RH. La transformation aujourd'hui est extrêmement importante, voire complexe et le digital aide vraiment à installer un environnement collaboratif, de travail en équipe afin de permettre aux collaborateurs de faire des choses qu'ils ne peuvent plus faire en présentiel. Je vois de plus en plus de RH qui utilisent des outils de gestion de projets, des méthodes agiles au sein d'une DRH pour piloter des sujets et je trouve ça très bien.
Nous avons toujours eu beaucoup d'enjeux de formation pour nos propres équipes. Après avoir souhaité recueillir les besoins de formation, travaillé sur la mise en place de programmes de formation structurés, nous nous sommes rendu compte que nous n’avions aucun outil de suivi. Qui a été formé à quoi ? A quelle échéance ? Quelle était la suite du parcours ? Ça en fait des tableaux Excel… mais cela a une limite. Nous avons donc recherché un outil pour nous aider à centraliser l'information de performance, de formation et de développement de nos équipes. Nos clients RH ont surement les mêmes sujets.
HUB : Vous êtes lauréate de la 10e édition de Women Equity, pour la deuxième année consécutive. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que représente à vos yeux cette distinction de premier plan ?
HBA : Je suis très fière de cette distinction et surtout de faire partie des 50 entreprises dirigées par des femmes qui font de la croissance rentable. L’idée de Women Equity est de mettre en avant les entreprises dirigées ou co-dirigées par des femmes et de montrer que non seulement elles sont capables de faire de la croissance et en générant de la rentabilité. L’index Women Equity constate que les sociétés dirigées par des femmes affichent une rentabilité en moyenne supérieure de 1,5 à 3,1 % selon les secteurs à celle des sociétés dirigées exclusivement par des hommes. D’autres chiffres vont même jusqu’à démontrer qu'une entreprise dirigée ou co-dirigée par une femme a plus de probabilité d’être rentable et en croissance que l'inverse.