Deloitte : Des actions pour construire une économie à la fois profitable et durable
“Il est important de savoir d’où l’on vient, afin d’éclairer les chemins de décision qui sont devant nous”, introduit d’emblée Hélène Chaplain. En effet, après la Seconde Guerre mondiale, le développement de la production industrielle s’est accéléré dans l’idée de ne plus jamais manquer de rien, c’est le début de l’hyper production soutenue par un modèle basé sur la calorie, avec des régimes alimentaires spécifiques permettant de sécuriser les débouchés des filières… Si cela a pu générer du profit, Hélène Chaplain rappelle que cela a aussi créé “des tensions sur nos modèles, de fortes externalités sociales, sanitaires et environnementales.”
Il y a urgence à se réinventer. Il faut dépasser la notion de risque - crise - réaction pour véritablement embrasser une évolution des modèles économiques qui soit intégrale et intégrante.
- Hélène Chaplain, Leader Secteur Consumer Products (Deloitte)
Agir aujourd’hui, donc, pour être au rendez-vous de demain. Dans une logique 10/30, Hélène Chaplain ambitionne que “les actions et investissements que nous mènerons dans les 10 prochaines années auront un impact sur les 30 prochaines années.”
Mobiliser tous les acteurs, pour un changement à grande échelle
S’il y a un consensus sur l’impératif de transformation, il y a un changement systémique à pousser en mobilisant tous les acteurs, afin d’opérer une transition à grande échelle. Ywan Penvern les identifient comme suit : “Les entreprises présentes sur toute la chaîne de valeur, de la production à la fourchette, si on parle d’alimentation par exemple ; mais aussi les ONG - véritables relais d’opinion et d’expertise ; ainsi que les autorités publiques (française et supra nationales) et enfin la clé du financement de cette transition : le monde financier qu’il faut parvenir à embarquer.”
Redéfinir la performance
Naturellement, aucune entreprise n’a envie d’être sanctionnée par ses investisseurs, et les entreprises ont besoin d’avoir les moyens de leur transformation. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est la performance et la profitabilité.
La performance est à redéfinir, non pas seulement pour les acteurs publics et privés qui sont déjà en train de l’opérer tant en termes de mesure et d’impact, mais aussi et surtout par les autorités publiques. Cette redéfinition de la performance doit également être portée dans l’ensemble du système éducatif.
Changer d’échelle
On constate énormément de projets pilotes, d’expérimentations, mais désormais l'enjeu est celui d’une transformation massive et d’un changement d’échelle rapide de ces transformations.
Le message est clair : c’est tout l’écosystème qu’il faut engager dans une croissance vertueuse. Pour cela, il faut réussir à faire le tri entre les innovations durables et les autres, entre les priorités de court terme et celles qui permettront de changer le modèle.
Pour changer, 3 transitions sont à opérer :
- Passer d’une logique d’enrichissement à une logique d’investissement.
Pour créer une boucle de progrès continue. Cela sera la clé de différenciation de la croissance future. La modification des modèles économiques et des modèles opérationnels va en effet nécessiter des investissements importants et continus.
- Passer d’une logique de profit maximisé à court terme, à un profit viable à long terme.
On sait que le réchauffement climatique est inscrit à l’agenda de l’ensemble des Comex aujourd’hui, avec des objectifs de neutralité carbone pour les industriels. Et ce n’est pas seulement une exigence morale, mais véritablement la condition requise pour le développement futur de ces entreprises. Il faut pour cela changer d'échelle de temps, s’inscrire dans le temps long et retrouver une logique de planification à la fois financière et opérationnelle.
- Passer d’un profit individuel à un profit partagé.
Si on veut pouvoir assurer la durabilité de son profit, il faut veiller à sa bonne répartition tout au long de sa chaîne de valeur pour une plus grande réactivité et collaboration. Ce n’est pas un hasard si les initiatives vantant la juste rémunération des producteurs se multiplient. Les consommateurs s’inquiètent à juste titre dans la répartition équitable de la valeur. Et les industriels entendent désormais ce besoin d’équité et de transparence
Pour conclure, et résoudre ce paradoxe entre le profit et la durabilité :
Il ne s’agit plus simplement de penser la transformation d’un secteur pris isolément (agroalimentaire, transport, ou immobilier/construction). Il faut désormais promouvoir une approche écosystémique de l’économie pour relever les défis économiques, sociaux, démographiques, sociétaux voire technologiques.
En revenant aux fonctions essentielles (se nourrir, se déplacer, se loger, etc.), nous pourrons repenser notre économie au bon niveau et l’entraîner dans une logique de croissance vertueuse. La condition de la réussite est simple : il nous faut désormais faire ensemble, en faisant plus souvent primer l’esprit de coopération sur la logique de compétition.
C’est ensemble, au-delà parfois des logiques de compétition, avec une plus grande dose de coopération que l’on sortira du paradoxe, en engageant la totalité de l’écosystème dans une logique de croissance vertueuse construisant ce futur désirable que nous appelons tous.
- Ywan Penvern, Associé, Lead Consumer (Deloitte Sustainability France)