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Deloitte : Quand la crise redonne de la valeur à la mobilité

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Au sortir d’une année 2020 éprouvante pour de nombreux secteurs, celui de la mobilité aura opéré une véritable accélération, dans une logique toujours plus " durable ". Quelle est la profondeur de cette transformation en cours pour le secteur de la mobilité ? Guillaume Crunelle, Automotive Industry Leader & Associé chez Deloitte partageait sa vision de la mobilité durable d’aujourd’hui et du futur, à l’occasion du Sustainable Paris Forum. Interview.

HUB : Une question volontairement provocatrice, quoique, pour débuter notre entretien : le travail et le vélo ont-il tué l’automobile ?

Guillaume Crunelle : Le profil que cela concerne n’est pas représentatif de la société dans son ensemble. Cela concerne une population de cadres, travaillant dans le tertiaire, dans une grande ville et à moins de 30 minutes de trajet de leur lieu de travail. A part pour cette population, qui pour une grande partie n’a déjà plus de voiture…la COVID-19 aura juste " tué un mort ".Pour le reste du territoire, il faut savoir que dans la moitié du pays, la part modale des transports en commun n’excède pas 4% du total des transports, donc la voiture a encore de belles années devant elle.

 En 2020, tout un chacun s’est rendu compte de ce que voulait dire la privation de mobilité. Le confinement, c’est ne plus pouvoir se déplacer. D’une certaine manière, cela a donné de la valeur à la mobilité, cette dernière se révélant comme un droit fondamental.

- Guillaume Crunelle, Automotive Industry Leader & Associé (Deloitte)

Au sortir d’une année particulière de par le contexte sanitaire, quel bilan peut-on tirer pour le secteur de la mobilité ?

G. C : Je pense qu’il y a deux manières de prendre les choses. La première étant que cette crise interroge notre rapport à ma mobilité, en tout cas, elle nous fait en parler. Je pense que tout à chacun s’est rendu compte de ce que voulait dire la privation de mobilité. Le confinement, c’est ne plus pouvoir se déplacer. D’une certaine manière, cela a donné de la valeur à la mobilité, cette dernière se révélant comme un droit fondamental.

Est-ce que cette mobilité va changer par la suite ? Probablement. La mobilité, c’est un écosystème regroupant de nombreux acteurs. Et ce qu’on sait, comme dans toute théorie des systèmes, c’est que dès qu’il y a une crise, un choc comme avec la pandémie, le système finit par se re-stabiliser, mais jamais dans le même état que celui qu’il connaissait précédemment.

Deuxièmement, il faut s’attendre à un prolongement du télétravail dans les habitudes, conjugué à l’avenir radieux qui attend probablement le vélo. La vraie question est : quelle est la profondeur ? A quel degré ? Et c’est bien là le rôle du régulateur et du gouvernement que de nous accompagner dans cette projection.

La notion de mobilité fait écho à la dimension de durabilité. Quelles enseignements et tendances observez-vous dans la " mobilité durable " ?

G.C : Jusqu’à présent, quand on parlait de mobilité, on parlait beaucoup de technologie, de data et d’usages… La dimension durable rentre en force désormais dans ce monde là, et spécialement dans le monde des technologies. Si l’enjeu durable est inscrit dans la loi et en particulier dans les directives européennes en termes de réduction de CO2, c’est surtout l’accélération observée durant la COVID-19 qui nous marque. Les ventes de véhicules électriques augmentent beaucoup plus rapidement, les transitions se font de plus en plus fortes, et ce qu’on demande en particulier au secteur des technologies aujourd’hui, c’est d’apporter des solutions qui non seulement aident les usagers à avoir plus de facilité à passer d’un mode à un autre, mais qui également optimise les infrastructures, les véhicules, la manière qu’on a de se déplacer – ou pas. Et tout cela avec pour ambition d’avoir un impact profond sur l’écologie et donc la durabilité.

On parle beaucoup de jungle urbaine, d’auto-solisme… Est-ce une réalité que vous constatez ?

G.C : La réalité c’est qu’aujourd’hui nous avons construit nos modes de travail, nos villes, en demandant tout à la mobilité, c'est-à-dire aux transports, de permettre l’étalement urbain, de permettre de travailler très loin de son lieu d’habitation. C’est l’extension du champ de la mobilité qui a permis tout cela. Il faut malgré tout se rendre à l’évidence que la mobilité a des limites, on ne va pas pouvoir lui en demander beaucoup plus, on va juste l’optimiser. Et donc, pour aller au-delà, il va falloir travailler nos modes de vie, notre organisation de la ville et nos modes de travail.

La technologie va nous apporter beaucoup de choses, nous aider, nous accompagner, mais il faut qu’on transforme nos usages et nos habitudes aussi.

- Guillaume Crunelle, Automotive Industry Leader & Associé (Deloitte)

On ne peut ainsi pas tout attendre des acteurs, qu’ils soient techno ou industrie ?

G.C : Je pense que c’est le rapport à la technologie qui est interrogé. Jusqu’à maintenant, nous avons été sur quelque chose qui rendrait un jour tout possible, via une sorte de " solutionnisme technologique. " Je pense qu’il faut maintenant se départir de cela. La technologie va nous apporter beaucoup de choses, nous aider, nous accompagner, mais il faut qu’on transforme nos usages et nos habitudes aussi.

On le voit, une population urbaine se développe et de manière exponentielle dans les années à venir. Quelles tendances voyez-vous se dégager ?

G.C : Je pense que de toute manière, la réalité est qu’on vit une période problématique : le retour à une époque de la voiture carcan, protectrice peut correspondre à un réflexe naturel mais ce n’est pas soutenable. En particulier je pense à l’autosolisme qui finalement investit 5 à 6 m2 de zone de préservation par conducteur, non on ne peut pas vivre durablement comme cela. L’avenir, c’est tendre vers un meilleur équilibre. Une pondération entre du travail à la maison et sur le lieu de travail. La question n’est pas tant de tuer la mobilité, de tuer la voiture, mais de faire de la meilleure mobilité, de la meilleure voiture. Et pour ce faire, c’est d’utiliser toutes les solutions technologiques qui s’offrent à nous : dans les véhicules, hors les véhicules ; chez soi, dans les entreprises. On tend vers un âge de l’intelligence de la mobilité qui doit venir lui permettre d’être durable.

Justement cette intelligence de la mobilité passe par la gestion des datas, leur bonne exploitation… Y a t il d’autres leviers à activer ?

G.C : Il y a une vraie problématique sur la propriété de la donnée, son échange, sa valorisation… Nous sommes dans un monde d’interconnexions d’écosystèmes où tout le monde est concerné et toutes les entreprises sont concernées par la mobilité. Donc c’est de leur capacité à travailler ensemble, à inventer des solutions nouvelles, et donc à échanger de la data et de l’information que va dépendre l’éclosion des services nouveaux qui serviront l’ambition que je propose.

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