HUB CITIES FORUM : La Smarter City à la française se dessine dès aujourd'hui | HUB Institute - Digital Think Tank
Le HUB Institute a réuni à la Maison de l’Artisanat, dans le cadre de son initiative HUB CITIES, son tout premier forum dédié à la ville du futur. Un rendez-vous qui a alterné visions d’acteurs publics engagés dans l’innovation urbaine et de partenaires privés, tout en se concentrant sur l’approche spécifique du “comment faire, comment réussir”.
Vincent Ducrey, CEO et cofondateur, introduit la journée en présentant la démarche, organisée dans une logique brownfield (qui consiste à adapter et moderniser l’existant, par opposition à l’approche greenfield) avec 10 challenges et 100 chantiers. Trois mots sont à l’honneur pour les mutations qui s’annoncent : smart, inclusive, green. Ils rythmeront d’ailleurs les interventions de la journée.
Plusieurs outils seront d’ailleurs mis à disposition des élus et décideurs publics. Parmi eux, notamment un référentiel, une base de connaissance mondiale, avec 300 solutions planifiées dans le temps politique, un rapport qui compilera les meilleurs cas d’usage français et internationaux, de Baltimore à Cascais, en passant par Marseille ou New York. S'inspirer certes, mais cependant le mot d’ordre est clair :
Pas de copié-collé possible, chaque ville a son histoire et son avenir !
– Vincent Ducrey, CEO et cofondateur de HUB CITIES Initiative
Au coeur des préoccupations urbaines – et surtout à la veille de la grande grève du 5 décembre – la mobilité durable a occupé une grande partie des échanges de la matinée. Le Maas notamment, désormais perçu comme le graal de la mobilité moderne, promet de combiner les mobilités, publiques ou personnelles, dans une seule application, allant parfois même jusqu’à la transaction, voire le forfait illimité, dans une formule à l’abonnement, comme à Helsinki.
Julien Nicolas, directeur général adjoint de e-voyageurs SNCF, partage ainsi avec l’auditoire les observations qui ont présidé au lancement de sa propre application, l’Assistant SNCF, avec un focus fort sur les partenariats avec les fournisseurs de solutions de mobilité, de technologies et les autorités organisatrices, territoires et régions. Le cabinet de conseil EY décrit finalement tout l’enjeu du MaaS désormais : celui de la substitution de la possession de la voiture individuelle, avec 4 défis majeurs : la gouvernance du système, le traitement des données, l’optimisation du système, et les défis économiques.
Saviez-vous qu'il devait y avoir 8 autoroutes urbaines zébrant Paris ? Avec les exemples de la voie Georges Pompidou et du réaménagement de Montparnasse, Jean-Louis Missika, Adjoint à la Maire de Paris en charge de l’Urbanisme, du Développement économique et de l’attractivité, souligne l'ambition du Grand Paris de mettre fin à "l'asservissement de Paris par l'automobile". Il rappelle que l’espace public est occupé à 50% par les voitures alors qu’elles ne représentent que 13% des déplacements : le partage de l’espace doit être plus équitable. Son intervention, très documentée, insiste sur la nécessité de mutations négociées avec toutes les parties prenantes (380 copropriétaires à Montparnasse ou 29 communes riveraines du périphérique). Pas doute, les Trente Glorieuses et la voiture individuelle-reine sont définitivement derrière nous...
Bertrand Serp, Vice-président en charge du numérique, pour Toulouse Métropole, sur le thème de la mobilité optimisée, simple et fluide, partage sa vision de la smart city avec les citoyens au centre du système. La mobilité en est l’un des 16 chantiers. Décarboner, décongestionner, être un territoire d’excellence, favoriser la mobilité pour tous, autant d’objectifs que s’est fixée la métropole sur ses sujets, sur un spectre allant de la R&D (citons la capsule futuriste Hyperloop TT qui pourrait permettre de relier Toulouse à Montpellier en vingt minutes) à la mise en place de services concrets pour les citoyens, afin de réduire la part des trajets en voiture. 4,2 milliards d'investissements sont prévus sur 2020-2025 par Tisseo, l'autorité de transports de la région.
Eric Legale, directeur général Issy Media, partage les enseignements à tirer de l’expérimentation Issy Grid. Ce projet de gestion intelligente des bâtiments a connecté bâtiments institutionnels, écoles et habitations. Parmi les enseignements et résultats du projet, on retiendra la capacité à lisser les consommations à l’échelle d’un quartier ou d’un bâtiment, mais aussi les travaux avec la CNIL sur le bon usage des données usagers. En effet, Enedis le rappellera ensuite : la donnée énergétique est une donnée à caractère personnel. Il est quasi possible de retrouver une personne à partir de sa consommation énergétique !
Interrogé par Vincent Ducrey, pour Eric Legale, l’enjeu de la ville de demain est simple : comment le numérique peut-il nous aider à lutter contre le changement climatique ? Pour lui, la smart city n’existe pas en soi, c’est un horizon vers lequel tendre.
Nouveau témoignage du dynamisme des territoires français : Michel Perrinet, porte-parole d’Angers Loire Métropole Ville intelligente présente les ambitions appuyées smart city de sa métropole. C’est un consortium composé d’Engie, Suez, du groupe Vyv et du groupe La Poste, qui aideront cette transition, en remportant un marché public de 178 millions d’euros. L’énergie en constitue bien sûr un chantier majeur. On note le fort engagement de ces derniers sur les économies : 101 millions d’euros à dégager sur 25 ans (66% sur l’éclairage, 20% énergies bâtiments publics, 30% arrosage).
Cela n'étonnera personne : la recherche d’efficience énergétique, la bascule vers des modèles circulaires et durables, est un sujet qui a occupé de nombreux échanges. N’oublions pas qu’il faudra, selon Enedis, 7 millions de points de recharge en 2030 avec le développement de la voiture électrique. Côté gestion des déchets, Citeo donne des insights de spécialiste pour développer l'économie circulaire en ville, et la marge de progrès est là : en ville, on trie deux fois moins qu'à la campagne !
Bruno Hervet, VP Executive Suez, en charge de la Smart City, complète l'intervention de Michel Perrinet avec un focus sur le challenge infrastructure, et l’importance qu’il y a à désiloter les services, un chantier qu’il qualifie même de “prométhéen”.
La question fondamentale de la smart city, c'est "À quoi ça sert ?" Et c'est beaucoup plus intéressant que la question "Comment ça marche ?"
– Bruno Hervet, VP Executive Suez, en charge de la Smart City
Alexandra Dublanche, Vice-présidente en charge du développement économique, de l’agriculture et de la ruralité, au Conseil Régional d’Ile-de-France, vient présenter comment la région veut devenir la première Smart Région en Europe. Pour ce faire, elle propose une Smart Plateforme, usine de services, aux 12 millions de Franciliens. L’ambition est triple : améliorer le quotidien des habitants, augmenter l'attractivité du territoire et répondre aux besoins des entreprises. Cette logique citoyen-centric s’applique aussi aux 2000 agents de la région, avec un effort de formation à la vision smart à destination de l’usager : une véritable “petite révolution”.
Évidemment contributeurs économiques, les commerces sont aussi le coeur battant des villes, de par leur contribution au lien social. On s’en rend compte avec l’intervention de Philippe Baudillon, CEO France et président Smart de Cities Clear Channel. C’est aussi l’occasion pour le groupe d’opérer sa mue : de fournisseur de mobilier urbain, il devient facilitateur de la smart society, et participe à apporter de valeur et des services dans la rue. On l’oublie souvent, mais le mobilier urbain est en mesure d’offrir le maillage technologique de la smart society (5G, wifi, usb, données, capteurs, écrans, GTFS, 4K).
Klépierre, de son côté, vient nous raconter comment le centre commercial Créteil Soleil bascule dans le 21e siècle, qui ne doit plus être une ville dans la ville, mais en faire pleinement partie. On retiendra notamment un engagement neutralité carbone 2022 pour les 5 plus gros centres gérés par le spécialiste européen des espaces commerciaux. Auchan nous rappelle que, tandis que l'essor de la distribution a été porté par le développement de la voiture individuelle, c'est désormais le smartphone qui dirige les mutations actuelles connues par le Retail.
Car c’est un autre message-clé de la journée : remettre l’humain au centre de la smart city. Coté Nexicity, Frédéric Verdaveine introduit le concept de Senseable City, dans sa présentation de la data au service du vivre-ensemble. La ville de demain doit tenir compte de l'humain, et donner du sens. La Senseable City, un concept notamment développé par Carlo Ratti, ingénieur-architecte, fondateur du Senseable City Lab au MIT, que la rédaction du HUB Institute avait interviewé. Un de ses strategist architects est venu sur scène partager quelques travaux très inspirants, du “future of work" à la mobilité, en passant par les commerces.
La culture et l’art sont aussi au coeur de la ville, pour leur capacité à réunir les êtres humains. C’est le sujet de l’intervention de Nicolas Laugero Lasserre, directeur de l'ICART, cofondateur de Fluctuart, président d’Artistik Rezo et ART42. À l’ère des budgets contraints, il développe sa vision pour les lieux de culture et les projets d’intérêt général à notre époque, à savoir l’hybridation des financements, publics / privés, et la réinvention des modèles économiques, à l’instar des initiatives du Palais de Tokyo (dégageant 70% de ses ressources en propre) ou du Théâtre du Rond-Point.
Que reste-t-il de notre humanité, si ce n’est finalement la création ? Dans un monde où beaucoup de choses nous divisent, la culture nous unit tous et transporte des valeurs humaines et des valeurs de tolérance.
– Nicolas Laugero Lasserre, directeur de l'ICART, cofondateur de Fluctuart, président d’Artistik Rezo et ART42
Toujours très fortement imprégné par l’inclusion et la recherche d’une société meilleure, l’intervention très riche d’Aziza Akhmouch, Head of Division Cities, Urban Policies and Sustainable Development, OCDE, dont les travaux ont pour vocation d’aider et de guider gouvernements locaux et nationaux sur leurs politiques publiques. Un message fort dans son intervention ? La fragmentation administrative a des conséquences sur la ségrégation spatiale. Il n’y pas de modèle unique pour organiser les métropoles, mais il faut tendre vers des réformes asymétriques. Les expériences réussies sont celles où on décentralise de façon asymétrique, là où les capacités sont déjà en place.
Côté patrimoine et tourisme, pour Christian Mantei, président d’Atout France, il n'y a plus de doute : “Le développement durable n’est plus une option, il doit constituer le socle de toutes les stratégies touristiques”. À propos de surfréquentation, on peut penser aux Champs-Élysées qui réunissent chaque jour a minima 300 000 personnes et 60 000 voitures sur leurs 2,5 km. L’échange entre Jeanne d’Hauteserre, maire du 8e arrondissement de Paris, et Vincent Ducrey, donne un aperçu du futur promis à la plus belle avenue du monde, avec des projets visant à un meilleur partage entre piétons, vélos et automobiles.
Akim Oural, maire adjoint de Lille, développe enfin sa vision sur les nécessaires nouvelles compétences des métropoles – à savoir, être un maillon fort dans l’expression des smart cities à la française. Un enjeu essentiel, notamment sur la question de la gouvernance des données, et à l'ère de l'intelligence artificielle, dont la question est, pour le responsable, éminemment politique.
La donnée sera ainsi au coeur de la dernière keynote de la journée, menée par Orange Business Services, pour qui "la data est un très bon point de départ pour penser le changement, cela structure, donne une colonne vertébrale de la smartcity, et s’enrichit au fil des projets."
Pour finir cette journée stimulante et riche de visions d’acteurs privés et publics engagés dans l’émergence des villes qui abriteront nos sociétés en profonde mutation, on aura pourtant envie de reprendre des mots anciens, en l’occurrence ceux de Jean-Jacques Rousseau :
Si ce sont les maisons qui font les villes,
Ce sont les Hommes qui font les cités
– Jean-Jacques Rousseau, cité par Eric Legale, directeur général Issy Media