Insider : la privacy, allié des stratégies de marques ?
HUB Institute : La COVID-19, et les périodes de confinement qui en ont découlé ont profondément modifié les attentes des consommateurs. Quelles grandes tendances observez-vous aujourd'hui ?
Fayçal Bouhdadi : Chez Insider, nous estimons que 2 grandes tendances se sont concrétisées à l'issue de la crise de la COVID-19 :
- Le report des budgets de consommation, à l'instar du phénomène de "revenge travel" dans le secteur touristique. Les périodes de confinement, combinées aux fermetures des commerces non essentiels, ont contraint les citoyens à freiner leurs dépenses et donc à économiser. Alors que la reprise économique s'amorce, ces derniers ont aujourd'hui tendance à plus dépenser et ce même en dehors des périodes de fêtes.
- L'avènement de l'omnicanalité, avec des clients qui interagissent de plus en plus avec les différents canaux des marques dans leurs expériences d'achats. Il est d'ailleurs intéressant de noter que si beaucoup prédisaient la mort des points de vente physique, ces derniers enregistrent des records d'affluence. Une situation qui s’explique en partie par le rôle social joué par le magasin.
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HUB Institute : La data joue un rôle de plus en plus important dans les stratégies marketing, notamment en termes de personnalisation. Dans le même temps, les consommateurs sont de plus en plus réticents à l'idée de partager leurs données personnelles. Ces deux approches sont-elles conciliables ?
FB : Avant toute chose, il convient de revenir sur une date importante : celle du 1er avril 2021. C'est à cette date que la CNIL a fixé l'application des sanctions à l'encontre des marques qui ne respectent pas le consentement des utilisateurs en termes de collecte des données personnelles. Depuis cette date, les notions de privacy et de consentement sont devenues cruciales pour les marques. Pourtant, force est de constater que nombre d'entre elles ont assez mal préparé leur copie sur le sujet. En résulte une réaction binaire des consommateurs, qui a entraîné en une journée une division par 2 des taux de consentement chez certaines marques.
Cependant, il est intéressant de noter que toutes les marques n'ont pas été égales face à ce phénomène : celles disposant de réelles stratégies de contenus et orientés communauté n'ont quasiment pas été impactées ! Cela peut s'expliquer par le fait que les consommateurs expriment un intérêt fort pour ces marques, et que les processus d'hyper-personnalisation mises en place rendent service aux consommateurs. Cela montre de fait que les logiques de privacy et de personnalisation sont conciliables.
HUB Institute : Comment les entreprises peuvent-elles aujourd'hui placer la privacy au cœur de leur business model ? Quelles sont les étapes indispensables et comment accompagnez-vous vos clients sur le sujet ?
La première étape consiste selon moi à prendre conscience du fait que si la collecte de la data offre un bénéfice à l'entreprise, elle doit alors aussi en apporter un au consommateur. Ensuite, il convient de se focaliser sur deux notions importantes : celle de communauté, que j'évoquais précédemment, et la cohérence des expériences proposées à l'utilisateur. Prenons l'exemple des stratégies de social shopper. Un consommateur arrive sur l'Instagram d'une marque et se voit proposer du contenu inspirationel. Intéressé, il se rend depuis la plateforme sur le site de l'entreprise. Si cette dernière arrive à retranscrire l'univers de ses réseaux sociaux sur son site e-commerce, alors on observe que les taux d'acceptation sont sans commune mesure ! Cette notion de cohérence est primordiale, et doit aussi se retrouver dans la manière dont les marques demandent le consentement au visiteur de leurs sites. Cependant on remarque qu'au 1er avril, beaucoup de marques ont cherché à proposer des dispositifs basiques, visant uniquement à répondre aux impératifs de la CNIL, et c'est ce qui explique en partie la chute du taux de consentement. La bonne nouvelle c'est qu'il n'est pas trop tard pour changer cela et faire collaborer demande de consentement, expérience utilisateur et design.
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D'autres notions permettent également aux marques d'inscrire la privacy dans leur ADN, tout en permettant aux consommateurs de se voir pousser des logiques d'hyper-personnalisation :
- La mise en place de stratégie data first party, qui couplée à l'usage d'outils comme la CDP, permettent d'avoir une vue à 360° du consommateur et de répondre à certaines questions : comment s'engage-t-il avec le site ? Comment peut-on l'accompagner ?...
- L'omnicanalité, en équipant par exemple les conseillers en magasin de tablettes afin qu'ils puissent récupérer l'historique des produits consultés par un consommateur et lui proposer ainsi des recommandations les plus pertinentes possibles.
- Les messageries, qui vont jouer un rôle de plus en plus important à l'heure de la fin des cookies tiers. Là où l'e-mail était auparavant une simple clé d'envois de messages, il va devenir une clé de réconciliation au service d'expérience ultra fluide.
L'Europe fait face à un véritable paradoxe : si 80% du trafic se fait sur mobile, 70% des conversions se font à travers le desktop. De fait, avec la fin des cookies tiers, l'email s'impose comme la seule manière de reconnaître le consommateur.
- Fayçal Boudhadi, Country Manager (Insider)
HUB Institute : Comment évolueront, selon vous, les tendances liées à la privacy à moyen et long terme ? Comment un acteur tel qu'Insider peut-il s'y préparer ?
FB : Je pense que l'avenir ne doit pas être envisagé d'un point de vue strictement technologique, mais au contraire être observé sous le prisme du consommateur. Le fait d'utiliser ou non des cookies est en ce sens un faux débat. Nous irons demain vers des stratégies que l'on pourrait qualifier de "data 0 party". Dans les faits, cela signifie que les marques ne traqueront plus forcément le consommateur comme elles le font aujourd'hui, mais qu'au contraire ce dernier exprimera spontanément les interactions qu'il souhaite avoir avec l'entreprise. Une situation qui poussera les marques à repenser certains indicateurs, comme le NPS, pour mieux comprendre les envies et besoins du consommateur.
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