Leadership : une question de génération ?
Quelle que soit la génération, les salariés sont à la recherche de reconnaissance, d’une bonne ambiance et d’un bon salaire. Hors de question de s’ennuyer au travail. L’exigence des cadres ? La qualité des relations dans leur nouveau job n’est plus une option.
Qualité des relations au travail et alignement avec le projet d’entreprise : nouvelles boussoles des entreprises
Le rapport “Future of Work” publié par le HUB Institute avait visé juste en 2018 en décrivant quatre aspirations majeures des collaborateurs : trouver sa place, grâce à la reconnaissance. S’épanouir, grâce à la qualité des relations humaines, une bonne ambiance, un bon salaire. Améliorer ses compétences et son employabilité grâce au travail d’équipe, au réseau, voire un mentor et dépasser le cadre du salariat, en faisant attention de ne pas aller en burn-out.
“Les acteurs RH doivent adopter un discours de vérité sur l’équilibre vie professionnelle et vie personnelle” plaide Karen Demaison, chargée de mission Richesses humaines chez SNCF Réseau. Et l’experte de définir ce qui est entendu par “qualité des relations humaines” mise en oeuvre par certains comportements avec ses collègues dans l’environnement de travail et de lister les facteurs de souffrance au travail.
La conjoncture de l’emploi est en faveur des cadres. A titre d’exemple, selon un article paru dans Le Monde en mars 2019, 33 000 ingénieurs sont diplômés chaque année, mais depuis 2012, ce sont 40 000 postes que l’économie française réclame. Le rapport de force s’inverse. Logiquement, pour exprimer ce type de revendications, les cadres sont donc mieux placés que les personnes occupant des postes en déclin. Pour autant, il est légitime de penser que les employés partagent aussi les mêmes aspirations.
Ainsi, selon une étude réalisée par Robert Half auprès de 1 000 candidats français, plus d’un répondant sur deux se dit prêt à démissionner pendant la période d’essai si la mission ne correspond pas à ses attentes. Observe-t-on des différences de comportements entre les jeunes actifs et les plus expérimentés ? Existe-t-il un choc des générations ? Sur ce point, les avis convergent. Les entreprises ont toujours eu à faire vivre et travailler ensemble des générations différentes, qui ne fonctionnaient pas forcément de la même manière. Le contexte induit des nouveaux comportements, plus criants chez certains jeunes. En effet, certains d’entre eux, bien diplômés, sans engagements familiaux ou bancaires, sachant utiliser les réseaux sociaux pour servir leur parcours professionnels, sont plus libres de quitter un employeur qui ne leur convient pas et le font avec davantage de célérité.
De la fidélisation à la fidélité : retenir les jeunes générations
Ainsi, Gérard Bucourt, directeur des ressources humaines chez Bouygues SA pointe l’accélération des changements dans l’entreprise et la modification inhérente de posture. Ce contexte expliquerait un nouveau type de leadership : le leadership d’influence versus un leadership traditionnel d’autorité. Il confie au HUB Institute : « La défiance entre générations a toujours existé. La génération actuelle demande plus d’explications et il faut y passer plus de temps. Les aînés sont parfois mal à l’aise car le contexte changeant très rapidement, ils n’ont pas toujours les réponses. Il faut pouvoir le dire, il n’y a plus « le sachant » dans l’entreprise. Le savoir est fragmenté. A titre personnel, je préfère la notion de fidélité à l’entreprise que celle de fidélisation : la fidélisation c’est comment retenir et avoir le contrôle du salarié. La fidélité, c’est comment je mets en place des éléments qui lui permettent de prendre par lui-même la décision de rester.»
Je préfère la notion de fidélité à l’entreprise que celle de fidélisation.
– Gérard Bucourt, directeur des ressources humaines chez Bouygues SA
Anne Thevenet-Abitbol, Prospective and New Concepts VP chez Danone Group qui témoigne le 11 avril 2019 au HUBTALK RH & Leadership renchérit : « Il y a toujours eu différentes générations dans l’entreprise, mais les nouvelles technologies changent la donne. Si on veut changer les choses, il faut se changer soi-même, en prenant davantage confiance en soi, et en prenant conscience des différences de fonctionnement, quel que soit l’âge. » Les études montrent que certaines personnes, majoritairement celles ayant pris l’habitude de vivre avec les téléphones portables depuis leur plus jeune âge, ont des capacités de plages de concentration moins longues. Les frontières entre vie privée et vie professionnelles sont aussi plus floues : on travaille de chez soi et on consulte Facebook au bureau. Les nouvelles technologies ont bousculé les manières de travailler et ont fait évoluer les rapports au temps, au pouvoir et au savoir, à l’autorité et à la hiérarchie.
Prenons le rapport au pouvoir, cerne Anne Thévenet-Abitbol. Avant celui qui avait le pouvoir était celui qui avait l’information et qui décidait à qui il allait la donner. Maintenant le pouvoir est à celui qui sait se repérer dans ce flot d’information, et avoir un point de vue dessus.
Les rapports à la hiérarchie et à l’autorité se sont aussi modifiés sous l’influence des nouvelles technologie : “Avant lorsqu’un problème se posait, on se tournait vers son chef. Maintenant les plus jeunes se tournent vers leur réseau et se mettent volontiers en mode projet” illustre Anne Thévenet-Abitbol.
S’il peut exister une différence de comportements entre les générations, ce sont encore les manières dont les entreprises les considèrent et les traitent traditionnellement qui sont discriminantes. Anne Thévenet-Abitbol souligne que les structures misent plus rarement sur les personnes de plus de 45 ans. Et elles peuvent parfois peu écouter les aspirations des plus jeunes, ou les faire se sentir à l’étroit dans leur poste. “Dans un plan de carrière hospitalière traditionnel, on ne s’attend pas à prendre le commandement d’un service avant un bon 45 ans. Et cela impose de savoir parfois jongler avec des conceptions des années 80 pour une maternité tournée vers le 21° siècle.” témoigne le Docteur Harvey, directeur de la maternité du GH Diaconesses Croix Saint-Simon, reçu également le 11 avril au HUBTALK RH & Leadership.
Ce n’est pas une question de génération mais de culture !
W. Chan Kim et Renée Mauborgne, professeurs à l’INSEAD, ont conçu des matrices appelées “Blue ocean leadership grid”, parues dans le papier "What Makes a Leader?" de la Harvard Business Review en 2004, qui permettent de définir les attentes de leadership par profil de managers - middle, senior, etc. - au sein d’une entreprise type, appelée “British Retail Group” pour l’exemple. Quatre rubriques mentionnent des comportements à supprimer, réduire, développer, créer. Des comportements en ligne avec les changements de posture évoqués ci-dessus et qui confirment qu’ils ne sont pas réservés au perception d’une génération en particulier.
Au-delà de la génération Y, c'est une véritable culture Y qui fait tâche d'huile et vient challenger nos organisations encore régies par une culture de baby-boomer.
– Anne Thévenet-Abitbol, Prospective and New Concepts VP chez Danone Group
Le HUB Institute organise régulièrement des HUBTALK RH & Leadership lors desquels la transformation du métier est abordée. Pour acquérir une vision d’ensemble des nouveaux enjeux du métier, voici un exemple de notre dernier Replay RH.